Ferruccio Spinetti / Giovanni Ceccarelli - More Morricone (cl)
F
Bonsaï
Lors d'une interview au Château d'Oupeye, Pino Minafra avait insisté sur l'"italianita" d'un certain courant du jazz transalpin: une volonté farouche de s'inspirer de tout son patrimoine culturel, de ces racines qui rejoignent l'inconscient collectif. Que ce soit la musique de la Renaissance (G. Trovesi), l'opéra (Rava l'opéra va), la musique traditionnelle (la tarentelle chère à Minafra), la chanson populaire (Tiziano Ghiglioni reprenant le répertoire de Luigi Tenco, avec Trovesi et Fresu), le cinéma et ses musiques de film (Fellini de Fresu, Nino Rota chez Rava). Ce More Morricone s'inscrit dans cette lignée.
L'album Bonsaï rassemble, d'un côté le contrebassiste Ferruccio Spinetti, fondateur, avec la chanteuse Petra Magoni, du duo Musica Nuda qui a enregistré une dizaine d'albums (de Complici à Leggera) et qu'on avait pu découvrir lors d'un Dinant Jazz Nights.
D'autre part, Giovanni Ceccarelli qui a étudié le piano avec Enrico Pieranunzi, Franco D'Andrea, Rita Marcotulli et Stefano Battaglia, soit la crème du jazz italien. Il a enregistré avec le saxophoniste Massimo Urbani, Lee Konitz, l'accordéoniste Daniele Di Bonaventura (Mare Calmo) et le contrebassiste Mauro Gargano (Nuages, avec Matteo Pastorino à la clarinette, superbe album chroniqué dernièrement). Avec le Brésilien Ivan Lins et Ferruccio Spinetti, il a fondé InventaRio.
En invitée sur 5 plages, Chrystel Wautier (chanson en anglais sur Hurry to me et My heart and I, en français sur Un Ami, vocalise ou "whistle" sur les deux versions de I Figli morti). Est-ce un hasard?, c'est sur Bonsaï que Chrystel a enregistré ses deux derniers albums (Before a song et The stolen book).
Comme Enrico Pieranunzi l'avait fait avant eux, en complicité de Marc Johnson et Joey Baron, pour Play Morricone 1 puis 2, les deux complices revisitent les plus célèbres musiques de film du compositeur italien: 15 thèmes qui seront autant d'occasions de se remémorer de films mythiques et de leurs acteurs: Cinéma Paradiso de Tornatore avec Philippe Noiret, Enquête sur un citoyen au-dessus de tout soupçon d'Elio Petri avec Gian Maria Volonte (un classique du cinéma politique italien), Le clan des Siciliens avec Gabin ou Atame d'Almadovar.
Beaucoup de titres sont joués en duo piano-contrebasse: piano lyrique et très mélodique, contrebasse à la sonorité lumineuse et elle aussi très lyrique, à la manière d'un Niels-Henning Ørsted Pedersen de la meilleure époque (Atame, Le clan des Siciliens, Nuovo Cinema Paradiso, Un ami, Indagine su un cittadino al di sopra di ogni sospetto dont le thème obsédant est joué par la contrebasse, Metello avec un beau solo de contrebasse, et parfois avec un passage à l'archet pour Rigatto).
A d'autres moments, au piano s'ajoutent d'autres sonorités: Rhodes, Wurlitzer, synthé, toy piano, synthé ou clavietta à la sonorité proche d'un accordéon (The braying mule avec guitare, Un uomo si e dimensso, ou la version finale de I Figli morti). Le tout dans un esprit de parfait respect pour les musiques originales.
Un voyage à travers toute une époque de cinéma et de ses musiques prenantes.
© Claude Loxhay