Edimbourgh, capitale de l’Ecosse, c’est environ 500.000 habitants, un château prestigieux, un Tatoo qui l’est tout autant, une magnifique cathédrale, du haggis et des whiskies en veux-tu-en-voilà… et un Festival de Jazz & Blues de grande renommée, chaque année en juillet, avec une fréquentation que bien d’autres événements envieraient, septante-mille spectateurs en dix jours ! Après Paris pour l’art contemporain, Berlin pour la danse contemporaine et Turin pour le cirque, le choix d’Edimbourgh s’imposait au jazz pour cette quatrième année de promotion des artistes bruxellois. Une cinquantaine de musiciens se produisaient le week-end dernier sur les scènes d’Edimbourgh. Trois lieux à la configuration différente accueillaient les groupes belges pour trois soirées et ainsi proposer une vitrine du jazz belge, bruxellois en particulier. Et disons-le d’emblée, ce fut une très belle réussite.
Une soirée d’ouverture que le groupe Mâäk a rendue un peu moins académique : on a l’habitude en Belgique des concerts mis en scène du quintet de Laurent Blondiau et la méthode a été chaleureusement accueillie avant les discours officiels. Deux lieux du centre-ville attendaient les musiciens : le « Queen’s Hall » plein à craquer recevait Les Violons de Bruxelles ovationnés à la fin de leur prestation, un concert apprécié au point de voir le groupe vendre la totalité de ses cédés en quelques minutes ! Dans une configuration tout autre, le « Jazz Bar » est un des lieux renommés de la ville pour sa programmation avec jusqu’à quatre concerts par soirée. En ouverture, le sextet Thrill composé de trois musiciens écossais et trois belges donnait son second concert après celui donné à Flagey quelques jours plus tôt. Suivait « Mâäk » pour une prestation d’une énergie de tous les instants.
Deux lieux aussi pour la deuxième soirée du festival belgo-écossais, la jeunesse étant au rendez-vous autant au St Bride’s, une ancienne église récemment reconvertie en lieu culturel – ce qui semble être une vocation d’Edimbourgh puisqu’en se promenant en ville, on vit trois lieux de culte reconvertis – qu’au Jazz Bar. Dans la première salle, un jeune groupe écossais Strata plein d’énergie a préparé le terrain avec enthousiasme à la prestation de URBEX, le projet d’Antoine Pierre. Programmé en quintet, « URBEX » a littéralement soufflé le public à la fois par la créativité des compositions du leader, l’interactivité constante entre musiciens et… le sens de l’humour d’Antoine Pierre dont les commentaires collaient à merveille à l’humour british.
Juste le temps de voir la prestation de l’Oriental Project de Marie Fikry, tout en finesse et élégance ; le répertoire personnel de la pianiste a séduit clairement le très nombreux public du club – une longue file à l’extérieur du club attendait en vain que des places se libèrent, mais personne ne voulait rater ce moment de jazz mixé aux influences maghrébines de Marie Fikry. C’était la soirée piano puisque suivait le trio de Martin Salemi que je n’ai pu voir puisqu’il se déroulait en même temps que le concert d’URBEX… D’où je revenais pour la prestation d’Esinam, seule en scène avec sa flûte, ses percussions et son appareil électronique, une musique qui colle parfaitement à l’ambiance fin de soirée de ce genre de lieu, plus d’un spectateur y allant de mouvements de danse frénétiques, histoire de visualiser ce que signifie le délire à l’écossaise !
La soirée du samedi naviguait entre jazz dans la tradition avec les deux groupes écossais du trompettiste Colin Steele et de la saxophoniste Laura McDonald dont le nom du programme « History of Sax » n’avait pas besoin d’explication. Entre ses deux prestations, Toine Thys présentait son tout nouvel album en trio avec le guitariste Hervé Samb en special guest. Une musique chaleureuse riche en couleurs et en moments de grâce avec ce guitariste fabuleux et l’organiste Arno Krijger. Qui ne connait pas Aka Moon en Belgique et même sur le continent ? La surprise fut réelle pour le public écossais : mes voisins, d’abord ébahis, se sont révélés conquis par la puissance de la musique du trio, Michel Hatzigeorgiou étant dans une forme éblouissante… tout comme ses partenaires d’ailleurs ! Du côté, du Jazz Bar, la nouveauté était au pouvoir : Brandhaard (Steven Delannoye, Jean-Paul Estiévenart, Antoine Pierre et Reinier Baas) et Echoes of Zoo (Nathan Daems, Bart Vervaeck, Lieven Van Pée et Falk Schrauwen) emmenaient le public dans le « new jazz » de nos jeunes loups bruxellois. Cette collaboration entre « visitbrussels », « Creative Scotland » et le « Jazz&Blues Festival » s’est révélé être un gros succès à la fois musicalement et humainement, et une belle opportunité pour mettre en valeur la scène belge du jazz.
L’événement « Thrill » s’est concrétisé grâce aux synergies nées lors du « Jazzahead » de Brême. Et si la musique « live » était au centre de l’organisation, le voyage à Edimbourgh a aussi permis aux musiciens, organisateurs et professionnels du secteur de se rencontrer et d’échanger lors d’une conférence interactive dans les bureaux de « Creative Scotland ». Echanges fructueux et intéressants d’où ressortaient au-delà de l’amour du jazz, les inquiétudes qui touchent le secteur aussi bien en Ecosse qu’en Belgique : statut des musiciens, protection sociale, cachets, subsides, encadrement tant par les agents que par les journalistes spécialisés ont été mis en avant comme autant de sujets de préoccupations pour les musiciens comme pour les organisateurs. Si pour l’instant ces discussions se limitaient à un constat, le souhait est de maintenir un contact, le regroupement des forces vives du jazz ne pouvant qu’aboutir à un progrès, du moins on peut l’espérer.
Clôturant cete conférence, Maaike Wuyts a apporté un souffle d’optimisme en citant les lieux et événements jazz de la ville de Bruxelles, impressionnant ! Clubs, festivals, événements n’en finissaient pas d’être cités dans une liste ci-après incomplète, les oubliés ne m’en voudront pas : Marni, Flagey, Jazz Station, Espace Senghor, Archiduc, Bozar, AB, Roskam, Music Village, Brosella, Brussels Jazz WE, Djangofollies…
Allez ! Le jazz à Bruxelles is alive and well !
Texte © Jean-Pierre Goffin - photos © courtesy Thrill
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