L'An Vert Liège - Jean-Paul Estiévenart Quintet

Samedi 30 novembre 2019, Jean-Paul Estiévenart venait présenter, à l'An Vert, son tout nouveau quintet et le répertoire de son album Strange Bird (label Outhere), devant un public nombreux et enthousiaste, parmi lequel on notait la présence de copains musiciens comme Guillaume Vierset, Fred Malempré ou Nicolas Dechêne.

On avait pu entendre Jean-Paul dans plus d'une vingtaine de groupes différents, de la tradition post bop du quintet de Jérémy Dumont à la musique orientalisante de Al Orkestra, en passant par le Jazz Station Big Band, toujours avec une grande rigueur. Seulement voilà, il jouait alors la musique des autres, se pliait à des univers musicaux qui n'étaient pas fatalement le sien. Ici, il propose SA musique, une musique résolument contemporaine, riche mélodiquement et techniquement.

Au travers de son trio (albums Wanted puis Behind the darkness), il pouvait encore paraître sur une certaine réserve. Depuis, il a évolué techniquement et musicalement: ses passages au sein d'Urbex, de MikMâäk comme de Rêve d'Eléphant Orchestra lui ont conféré une assurance encore plus grande, une plus grande expansivité.

Pour son quintet, il faut dire qu'il a su s'entourer: une équipe qui ne se fonde pas uniquement sur des qualités techniques et musicales mais aussi humaines. Il a su établir un subtil équilibre entre fidèles compagnons de route et nouvelles recrues. D'un côté, les tout proches.

A la batterie, Antoine Pierre, compagnon de toujours (Urbex, LG Jazz Collective, Trio avec Sam Gerstmans, quintet de Lorenzo Di Maio) et, au piano, Nicola Andrioli (quartet de Manolo Cabras, quintet de Lorenzo Di Maio). De l'autre, les nouvelles têtes. A la contrebasse, Nicolas Thys, soit, avec Antoine, la rythmique implacable de Taxi Wars et du quartet de Veronika Harcsa et Balint Gyemant. Enfin, vraie découverte pour le public belge, à la guitare, le Français Romain Pilon formé au Berklee College de Boston, où il a croisé Pat Metheny et le bassiste Jeff Denson. Un musicien accompli qui a enregistré avec le saxophoniste Seamus Blake et, dernièrement, avec Jeff Denson et Brian Blade (Between two worlds, chroniqué sur jazzaroudmag). Un groupe parfaitement soudé, dans une interaction constante.

Par ailleurs pour ce nouvel album, Jean-Paul a composé une musique très riche: de belles mélodies qui marient le lyrisme de Nicola Andrioli à la fulgurance de la trompette ou de la guitare (Inès 11), qui ouvrent de larges espaces à des improvisations fiévreuses. De magnifiques moments d'unisson entre trompette et guitare, des moments en apesanteur entre trompette et batterie.

Une musique qui se vit avec passion, comme l'entame du concert avec ce Con Passion, révélateur de l'enthousiasme du groupe, une ampleur propre au live, encore plus grande par rapport à l'album. Les compositions vont se succéder: La Caseta, Henri, dédié au compositeur de musique contemporaine Henri Tomasi, le très sensible Inès 11 (pour sa fille de 11 ans), Sshhh! ou Barcelona qui permettent des envolées de chacun: piano mélodique ou très vif de Nicola, guitare flamboyante, parfois, ici, avec effets, de Romain, contrebasse inflexible de Nicolas et batterie toujours précise d'Antoine, avec baguettes, balais ou mailloches.

Le concert se clôt sur Bert Sketch, un hommage à Bert Joris. Salves nourries d'applaudissements, conformes à la tradition de "cité ardente" et rappel obligatoire: un petit standard, avec un passage vertigineux de trompette en "solo absolu" (marque déposée par le critique français André Francis). On sort du concert tout ragaillardi.

Texte © Claude Loxhay  -  photos © Robert Hansenne

Concerts:

Quintet
15/12/2019, Bruxelles, Bozar, avec Logan Richardson
12/3/2020, Gand, Bijloke
22/4/2020, Waterloo, Chapelle Reine Elisabeth
14/5/2020, Liège, Mithra Jazz Festival

Urbex Electric
16/1/2020, Bruxelles, Bozar (hommage à Bitches Brew)

Jazz Station Big Band
5/12/2019, Saint Josse

MikMâäk
13/2/2020, Bruxelles, Marni