Dinant Jazz 29e, les highlights





3.500 spectateurs au Dinant Jazz 2019, c’est un beau succès populaire, mais aussi artistique. Quelques temps forts dans l’ordre chronologique.


« Songs Between Two Lands »


C’est la bonne habitude à Dinant : le vainqueur du concours des « jeunes talents » de l’année précédente ouvre le festival et le sextet a bien évolué en une année. Sur des compositions du guitariste Matteo di Leonardo et du chanteur Flavio Spampinato, la musique se base beaucoup sur de beaux unissons entre voix et bugle, ponctués de quelques solos du pianiste Willem Suilen, de larges interventions de Pierre-Antoine Savoyat au bugle et de solides moments proposés par le guitariste. Du côté de Flavio Spampinato, on sent par moments l’influence de David Linx, mais le groupe propose une cohésion bien personnelle. Un groupe à suivre de toute évidence.


Monty Alexander « Triple Treat »


Avec Russell Malone à la guitare et Leon Duncan à la contrebasse (qui remplaçait Hassan Shakur), Monty Alexander recrée son célèbre trio avec Ray Brown et Herb Ellis autour d’un répertoire traditionnel et tourné vers les différentes influences du pianiste. Ainsi le concert s’ouvre sur « The Masquerade is Over » souvent joué par Nat King Cole, un des premiers grands que Monty a vu en Jamaïque. Petit clin d’œil à Ray Brown ensuite avec « FSR », « For Sonny Rollins » avant l’entrée de l’invité Philip Catherine que Monty laisse seul avec Russell Malone pour un lumineux « Body and Soul » où on sent les deux écoles, celle plus liée à Herb Ellis pour Malone ( ce n’est pas pour rien qu’il est le guitariste attitré de Diana Krall) et celle plus aventureuse d’un Philip Catherine en belle forme. Suivent « La Belle Vie » de Michel Legrand, « Django » de John Lewis, émaillé de citations du pianiste, l’incontournable Frank Sinatra qui amena Monty à New York avec « Fly Me To The Moon », un « Calypso » truffé lui aussi de références, avant un « Estate » chanté par la compagne du pianiste. Aucune surprise, mais un concert vif, énergique qui emballe le nombreux public du premier soir.


Kenny Garrett



Ça commence fort avec un morceau de vingt minutes où le saxophoniste se livre à des solos de la meilleure veine avec une claire  influence coltranienne. On apprécie aussi les longues citations de « Body and Soul » et de «  Summertime » par la suite, la référence à Miles Davis avec « Jean-Pierre »… avant que le concert ne tourne à l’ennuyeuse funkitude de près de 45 minutes où Kenny Garrett entraîne le public à chanter, à frapper dans les mains, à danser… Long, lassant, Kenny s’est transformé en entertainer, mais les mateurs de jazz sont repartis avant la fin…


Maxime Blésin New Quartet


Maxime Blésin
est un fidèle du festival dinantais, mais sa prestation en quartet nous a révélé toutes les qualités, connues certes, mais encore plus lumineuses avec ce nouveau combo : le toujours brillant Igor Gehenot au piano, Thomas Bramerie à la contrebasse, accompagnateur régulier d’Eric Legnini et de bien d’autres formations en France, et Darren Beckett, batteur d’origine irlandaise, qui a démontré toute sa finesse lors de ce concert. Rayonnant et détendu sur scène, le guitariste était heureux d’être là et ça se ressentait dans sa musique, souple, fluide et inventive. L’arrivée de l’invité Stéphane Mercier ne changeait rien à cette impression, si ce n’est que la variété des solistes donnait encore plus de corps aux compositions du leader. Un groupe à suivre assurément.


Alex Tassel


© Hugo Lefèvre


C’est la galette « A Quiet Place » de son double album que le bugliste français présentait ce soir. Avec un véritable all-stars européens : le pianiste anglais Jason Rebello (accompagnateur de Sting, mais aussi de Wayne Shorter, et auteur d’un album solo «Held », élu meilleure sortie en Angleterre), aux claviers aussi Igor Gehenot très « à l’ouvrage » ce soir, Reggie Washington à la basse électrique et Manu Katché derrières les fûts. Alex Tassel a un des plus beaux sons au bugle qu’on puisse entendre aujourd’hui, le fait de s’y consacrer quasi exclusivement y est pour beaucoup. Au milieu du gros son fourni par ses partenaires, Alex Tassel parvient à conserver la finesse et la chaleur du son de son bugle avec une étonnante maîtrise : rester au-dessus de la mêlée avec l’énorme son de la basse de Reggie Washington  et les frappes incisives de Manu Katché, lebugliste l’a fait avec talent. Un concert qui a enthousiasmé le chapiteau plein à craquer.


« Harlem Kingston Express »

Deux batteurs, l’un version Us et l’autre avec les percus jamaïcaines, le grand tenor-sax Wayne Escoffery, Andy Bassford à la guitare et Leon Duncan à la basse et au chant. Voilà le line-up de cet autre groupe emmené par Monty Alexander. On ouvre avec « Caravan » et on sent déjà que les rythmes seront tournés vers le pays d’origine du pianiste. On retrouve Frank Sinatra sur « Summer Wind », bien sûr des thèmes de Marvin Gaye, « No Woman No Cry » en rappel, mais aussi Thelonious Monk avec « Mysterioso » joué au mélodica. Les références s’enchainent toujours : musique de film – « James Bond & Dr No », la Jamaïque encore avec « Hurricane, allusion à l’ouragan qui frappa le pays dans les années 70. Le public est conquis, en redemande… et repart pour revenir à … la messe du lendemain.


Messe Gospel


© Hugo Lefèvre


C’est une première et quelle première ! Alors que le Père Augustin, initiateur du projet s’attendait à une cinquantaine de fidèles, plus de 800 personnes remplissaient le chapiteau pour une messe gospel dont tout le monde, musiciens y compris, se souviendra. Rhoda Scott à l’orgue Hammond, Monty Alexander, Grégoire Maret, Steve Houben, les “Gospel Wings” réunis autour des Pères de l’Abbaye! Un moment plein d’émotion et de joie qui se refera, c’est sûr !


Dinant Jazz Orchestra


© Hugo Lefèvre


Un création. Un octet belge sur un répertoire original, voilà une belle nouvelle pour la vivacité du jazz de chez nous ! Une très belle composition du sax ténor Mathieu Najean, une ballade comme seul Pascal Mohy peut en écrire, sophistication et lyrisme réunis, un hommage à Joao Gilberto, le programme ne manquait pas de tenue et les solistes ont superbement montré leur talent, des plus connus comme Stéphane Mercier, Maxime Blésin ou Pauline Leblond, aux nouvelles têtes à découvrir comme le sax-baryton à la sonorité ample de Hanne Debacker. L’octet  trouverait sa résidence annuelle à Dinant que ce serait une bonne nouvelle.


Harold Lopez-Nussa trio


Un concert que je n’ai entendu que partiellement. Qu’endire sinon que voici  un nouveau talent cubain de plus sur le circuit : virtuosité, finesse du toucher, envolées rythmiques, toutes les forces du jazz des Caraïbes sont réunies sur scène, et l’harmoniciste Grégoire Maret y a ajouté sa touche de modernité.

Trois jours de concerts ont eu raison de mon endurance ! Je n’ai donc pas assisté au concert electro-pop de Manu Katché.


Noémie Decroix

Le concours des jeunes talents est une tradition à Dinant. Il faut dire qu’en sont sortis quelques groupes qui ont eu un beau parcours par la suite. J’ai déjà parlé de « Songs Between Two Lands », mais les années précédentes ont vu émerger le « LG Jazz Collective », « Hamster Axis », le duo de Kim Versteynen, ou le trio de Jeremy Dumont, tous des musiciens qui ont aujourd’hui pignon sur scène.


On peut penser que la chanteuse Noémie Decroix a déjà quelques atouts pour  trouver sa voie (sa voix, elle l’a déjà clairement) : un répertoire qui débute intelligemment par un standard, « You Must Believe in Spring », histoire de créer le lien avec ce qui va suivre, moins jazzy, mais tout aussi intéressant : musique d’inspiration africaine, chant coréen et ballade suédoise s’enchaînent  avec cohérence et talent, la chanteuse ne négligeant pas l’aspect pédagogique du propos en éclairant le public de commentaires adaptés. Une belle découverte qu’on reverra l’an prochain en ouverture de festival.


Texte © Jean-Pierre Goffin  -  photos © Serge Braem et Hugo Lefèvre


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