Intakt: nouveautés
Various
Intakt Records
Non, le free jazz du siècle dernier n'est pas mort. Pour preuve, ces deux sorties chez le label suisse Intakt, dont l'une avec un titre évocateur: Noise of our time.
Ken Vandermark - Noise of our time
Cet enregistrement réalisé aux Etats-Unis réunit Ken Vandermark (sax, cl), Nate Wooley (tp), la Suissesse Sylvie Courvoisier (p) et le batteur Tom Rainey.
Présent sur la scène de Chicago depuis les années '90, Ken Vandermark a croisé des musiciens américains comme européens: Joe Mc Phee (sax), Paul Rutherford (tb), Barry Guy (cb), Mats Gustafson (sax), Ab Baars (sax). Il a enregistré East by Northwest en duo avec Nate Wooley. On a pu l'entendre au Middelheim, en octet, avec Fred Van Hove, Bart Maris, Evan Parker et Peter Brotzmann.
Le trompettiste américain Nate Wooley a enregistré plusieurs albums avec des musiciens belges: The Bureau of Atomic Tourism de Teun Verbruggen (album Spinning Jenny avec le saxophoniste Andrew d'Angelo et le guitariste Marc Ducret), Walters First avec Teun et Jozef Dumoulin mais aussi Legacy of Ashes avec des Belges "d'adoption" le saxophoniste Daniele Martini et Joao Lobo (dm). Native de Suisse, Sylvie Courvoisier joue avec le violoniste américain Mark Feldman depuis 1997 (Miller's Tale). Elle a joué avec Evan Parker (sax), Mary Halverson (g), Ellery Eskelin (ts), Michel Godard (tuba) et Joëlle Léandre (cb).
Tom Rainey s'est souvent produit avec Kenny Werner (p), Herb Robertson (tp), les pianistes Simon Nabatov ou Fred Hersh. Il a fondé le groupe Obligato, avec Ralph Alessi (tp), Ingrid Laubrock (ts) et le contrebassiste Drew Gress (un album Intakt)
Comme l'indique son titre, l'album comprend des séquences bruitistes (VWCR de Sylvie Courvoisier) mais elles alternent avec des thèmes à la structure plus "classique" (Sparks). Au saxophone, Ken Vandermark adopte volontiers une voix éraillée (Checkpoint avec la trompette en contrepoints pointillistes). Sur Songs of Innocence de Nate Wooley, il passe à la clarinette pour un thème virevoltant. Sur les autres plages, on l'entend au saxophone, Nate Wooley alternant trompette à la sonorité éclatante et trompette bouchée plus intimiste (Simple Cut de Vandermark) et Sylvie Courvoisier peut recourir à un piano préparé (The space between the teeth de Wooley).
Günter Sommer - Baby's Party
L'autre album a été enregistré à l'occasion du 75ème anniversaire d'une des légendes du free jazz d'Allemagne de l'Est: le batteur-percussionniste Günter Baby Sommer, fondateur du Zentralquartett avec Ernst Ludwig Petrowsky (as), Conrad Bauer (tb) et Ulrich Gumpert (p). Un groupe "décapant" qu'on a pu découvrir en Belgique, lors de festivals qui osaient l'aventure: Jazz au Château d'Oupeye et Jazz Brugge!
Le bouillant percussionniste a aussi croisé la route d'Alexander Von Schlippenbach, Fred Van Hove, Peter Brötzmann, Louis Sclavis et Sylvain Kassap.
Pour Baby's Party, on le retrouve avec Till Bronner qui a d'abord étudié la trompette classique avant de rejoindre Cologne et de poursuivre une formation "jazz", notamment avec Jon Eardley. Musicien éclectique, on a pu l'entendre avec Bob Brookmeyer mais aussi le pianiste Larry Goldings (The good life) ou avec Dieter Ilg (Nightfall). L'album Chattin' with Chet illustre une de ses références évidentes.
Dans ce duo empathique, Sommer tisse une trame rythmique foisonnante dans laquelle il multiplie les éléments de percussion. Si sur Danny Boy, on le retrouve dans un format assez traditionnel de batterie, il use d'un matériel pour le moins éclectique: grosse caisse et cymbales suivies d'éléments proches d'un balafon (Apéro con brio), cymbales et clochettes (First Shot), métallophone (A soft dring in between, Der alte spanier après une multitudes de petites percussions), mais aussi guimbarde (Second shot) et voix en superposition de la batterie (Inside-Outside), toujours avec un sens très "mélodique" (Third shot joué à l'unisson avec la trompette). Avec un sens aigu des nuances, Bronner passe d'une trompette voltigeuse (Apéro con brio) à une trompette bouchée plus intimiste (First shot, Second shot) ou une trompette avec effets d'écho (A soft drink in between). Si l'album laisse une large place à l'improvisation, Sommer ne néglige par pour autant la tradition comme le montre son In a sentimental Mood qui clôt cet album passionnant d'un bout à l'autre.
© Claude Loxhay