Tom Rainey Trio w/ Mary Halvorson & Ingrid Laubrock
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Intakt Records/Outhere
Batteur très actif dans l’avant-garde newyorkaise, Tom Rainey fait partie des batteurs les plus expressifs qu’il ait été donné de voir ces dernières décennies. A la fin des années 90, certains se souviendront peut-être de cet ébouriffant concert au « Lion s’Envoile » à Liège des « Chromatic Persuaders » de Neal Kirkwood, Mark Feldman, Lindsey Horner et Tom Rainey, première occasion de voir ce batteur dont on n’oublie pas facilement les prestations. On l’a revu très récemment au Mithra Jazz à Liège avec les guitaristes Nels Cline et Julian Lage contribuant à la créativité de la musique de l’instant.
On le trouve ici en trio avec des partenaires qu’il fréquente depuis dix ans et avec lesquelles il a enregistré plusieurs albums sur le même label.
Mary Halvorson est sans doute la plus connue chez nous pour l’avoir vue avec les « Young Philadelphians » de Marc Ribot ou avec Jason Moran lors d’un récent « Jazz Middelheim ». La guitariste s’est forgé une fameuse réputation dans le jazz contemporain aux côtés de John Zorn ou Bill Frisell, alors que la saxophoniste allemande Ingrid Laubrock s’est installée depuis quelque temps aux USA où elle a travaillé, entre autres, avec Anthony Braxton.
Après dix ans de collaboration dans ce trio, Tom Rainey atteint un degré d’empathie confondant avec ses deux partenaires : « La confiance est la priorité principale », dit-il, « Etre capable d’avancer dans l’inconnu sans crainte que les autres ne soient pas capables d’y arriver. » Car on est ici dans l’improvisation quasi absolue.
Le premier titre « Combobulated » qui s’étend sur plus de dix-huit minutes, développe l’esthétique recherchée par le trio : l’homogénéité, le son d’ensemble plus que le solo personnel, on entend ici l’interaction continuelle entre les trois musiciens, la tension est palpable du début à la fin sans que jamais l’écoute ne s’égare. « Fact », la deuxième pièce la plus longue de l’album, vire au hard rock puissant avec les sonorités très « métal » de Mary Holvorson, alors que « Point Reyes » et « Isn’t Mine » apaisent le climat électrique pour se dissoudre dans un brin de lyrisme inattendu.
Enregistré « live » dans le Connecticut, l’album tranche aussi par la post-production soignée de David Torn (auquel le dernier thème rend hommage), chose plutôt inhabituelle pour un enregistrement en public , une façon, selon Tom Rainey, de « protéger le jazz improvisé de la routine et de la coagulation ».
Un album passionnant de bout en bout; loin de la tendance « free » inaccessible, on est littéralement captivé par l’évolution des morceaux et l’empathie qui unit le trio.
© Jean-Pierre Goffin