Rita Marcotulli & Luciano Biondini Duo Art - La Strada Invisibile
R
ACT
Comme le suggère l'un des titres de l'album, ces deux-là sont bien le Yin et le Yang, l'avers et le revers d'un vrai bijou biface. Cette empathie complice à l'écoute de l'album est encore plus évidente en concert, comme en octobre 2014, lors du 7e Jazz Brugge: pas besoin de jeter un coup d'oeil vers les partitions, c'est les yeux dans les yeux que jouent Rita et Luciano.
En commun, ils ont déjà une solide formation classique et un goût prononcé pour le lyrisme mélodique des chansons populaires: Rita a souvent accompagné Gianmaria Testa et enregistré avec la chanteuse Maria Pia De Vito. Par ailleurs, il faut dire que l'un comme l'autre sont rompus à cet exercice du duo intimiste.
Diplômée du Conservatoire Santa Cecilia de Rome, la pianiste a fait partie du quartet de Michel Benita, avec Dewey Redman (Soul, Préférences), a joué avec Chet, Joe Lovano, Enrico Rava ou Michel Portal et enregistré en solo (The light side of the moon), en quintet (Night Caller) comme en formation à géométrie variable (Koiné) mais c'est peut-être en duo que s'exprime le mieux son talent mélodique que ce soit avec Andy Sheppard (On the edge of a perfect moment, concert lors du Jazz Brugge 2006) comme avec la chanteuse Lucilla Galeazzi (Jazz au Chardon en 1998) ou le saxophoniste Javier Girotto (I concerti del Quirinale de 2002).
De son côté, l'accordéonniste, après un passage à Berklee dans les années '90, a enregistré avec Rabih Abou Khalil (Morton's Foot, Em Portuguès) et avec le clarinettiste Giovanni Mirabassi (Lo Stortino) mais a aussi formé un duo complice avec Javier Girotto (Cacerolo de 2002, concert lors de Jazz Brugge de 2010).
Au répertoire de cet album ACT, six compositions de Rita Marcotulli (avec un clin d'oeil à François Truffaut, dans L'amour en fuite, comme dans son album THe woman next door), trois originaux de Luciano Biondini mais aussi trois titres empruntés à des chanteurs populaires: Cosa sono le nuvole de Domenico Modugno, le compositeur de Volare, The moon is a harsh mistress de l'Américain Jimmy Webb et Essa Mulher de la chanteuse brésilienne Joyce Moreno.
Ce répertoire permet ainsi de passer de magnifiques ballades d'une grande sensibilité mélodique avec effets de contrechant (Vagabondi delle stelle, Cosa sono le nuvole, The moon is a harsh mistress, Essa Mulher, Stagione) à des rythmes virevoltants souvent joués à l'unison (Aritmia, Yin & Yang). Tantôt c'est le piano qui entame le morceau et se met davantage en avant (Tuareg avec de légers effets de réverbe ou La starda invisibile, morceau inspiré d'une mélodie indienne, avec une courte intro de piano préparé), tantôt c'est l'accordéon qui instaure le rythme tournoyant (Choroso).
Quel que soit le morceau, la complicité est totale parce que basée, comme l'indique le texte du livret, sur une "compréhension musicale instinctive". Un peu du soleil de l'Italie sous nos cieux peu cléments.
Claude Loxhay
Photo soundcheck à Jazz!Brugge 2014: Jos Demol