Oak Tree (feat. Michel Massot, Tcha Limberger, Kristof Hiriart) - Well
O
Homerecords
On avait découvert Sarah Klenes, la fille du contrebassiste André Klenes, au sein du trio vocal The Swallows, dans un répertoire de grands standards, en compagnie de Géraldine Cozier et de Fanny Bériaux. Mais la jeune chanteuse, formée au Conservatoire de Bruxelles, dans la classe de David Linx, allait révéler un autre aspect de sa personnalité au travers du trio Oak Tree. Au côté de la vocaliste, qui a aussi collaboré au projet Strange Fruit de Fabrizio Cassol, d'une part, la violoncelliste et vocaliste Annemie Osborne formée au Conservatoire de Luxembourg puis de Bruxelles où elle s'est initiée à l'improvisation avec Kris Defoort; d'autre part, le Bruxellois Thibault Dille qui s'est dédié à l'accordéon dès l'âge de 8 ans, pour étudier ensuite au Conservatoire de Bruxelles, dans la classe de deux maîtres du lyrisme mélodique: Nathalie Loriers et Diederik Wissels.
Si Annemie Osborne a fait partie du trio de Mathilde Renault (album Cameleon Boat) et de l'Octet Red, en compagnie du guitariste Benjamin Sauzereau; Thibault Dille a, pour sa part, joué en duo, soit avec le saxophoniste Julien Delbrouck, soit avec le guitariste Alexis Thérain mais, comme vocaliste, a aussi fait partie du Brussels Vocal Project.
Issu, en 2008, d'une rencontre au sein de la classe d'improvisation de Kris Defoort, Oak Tree a d'abord enregistré A dos d'âmes, en 2012, pour Mogno, avec un répertoire mêlant compositions originales mais aussi des thèmes d'Antonio Carlos Jobim et Dave Douglas. Voici que sort, chez Homerecords, "Well" pour lequel le trio accueille trois invités de choix, instrumentistes et vocalistes comme les fondateurs d'Oak Tree.
Et d'abord, Michel Massot pour trois titres: trombone et voix sur Kitchen Mandolin, euphonium et tuba sur Tams et voix sur A change is gonna come: une complicité empathique. Il est vrai que côtoyer violoncelle et accordéon, c'est ce que fait Michel Massot aux côtés de Marine Horbaczewski et Tuur Florizoone, quant à s'accorder à une voix, il l'a fait avec Oliver Thomas au sein de Tomassenko.
Deuxième invité: Tcha Limberger, l'un des solistes des Violons de Bruxelles et compagnon de route de Fabrizio Cassol (projets Pitié et Alefba). Au violon et à la voix, il est présent sur trois plages (Entre les lignes, Oufti Oufti, Les lignes II).
Enfin, troisième invité, le vocaliste Kristof Hiriart qui s'est fait le chantre du chant traditionnel basque en duo avec l'accordéoniste Didier Ithursarry mais a aussi enregistré le très "jazz" Voices for a blue note, avec le flûtiste Michel Edelin et le pianiste François Couturier. Ici, sur Parfois la nuit, il mêle son scat au chant de Sarah Klenes et pour la dernière plage de l'album, il a mis en musique un poème du philologue basque Ur Apalategi, en s'accompagnant du ttun-ttun (une cithare basque à cordes frappées par une baguette).
A l'exception de A change is gonna come du chanteur soul Sam Cooke, un protest song qui fut emblématique du mouvement des droits civiques aux Etats-Unis dans les années '60, toutes les autres plages sont constituées de compositions originales auxquelles les six vocalistes-instrumentistes ont collaboré. Tantôt des textes chantés à deux ou trois voix en anglais (Fear for fur, Kitchen mandolin) ou en français (Huit de nuit), tantôt des mélodies portées par des vocalises (Tams, En el viento, Lindas Flores) en parfaite complicité avec le chant du violoncelle et de l'accordéon (ou de l'accordina, un instrument proche de l'harmonica, sur Les lignes I). Des thèmes folk au rythme allègre (Lindas flores, Magicians) ou des mélodies gorgées de mélancolie (Entre les lignes).
Bref une série de tableaux contrastés à la riche palette sonore, avec un sens aigu de l'improvisation (Les lignes II, Parfois la nuit). Un album parfaitement abouti qui s'inscrit de manière logique dans la foulée des prix remportés par ce "chêne" vocal (Jong Jazz Talent 2013 au Gent Jazz Festival). Une musique à découvrir à la maison ou en concert.
Claude Loxhay
Article publié par jazzaround