Nicolas Kummert (feat. Lionel Loueke) - La Diversité (C. Loxhay)
N
Edition Records
A son actif, Nicolas Kummert a une vingtaine d'albums, les uns en tant que leader, avec Alchimie, Qu4tre, Voices et Drifter (Flow de 2016), d'autres comme sideman du quartet d'Alexi Tuomarila, du Yves Peeters Group, du sextet de Fabrizio Graceffa, du quartet d'Axel Gillain. S'il est actif sur la scène africaine, aux côtés de Patrick Ruffino ou Keziah Jones, il a aussi souvent enregistré avec des guitaristes: Pierre Van Dormael (Vivaces), Frederik Leroux (Sound Tracks, All you see) ou le guitariste d'origine sénégalaise Hervé Samb (Liberté).
Le voici en compagnie de Lionel Loueke, guitariste d'origine béninoise qui est passé par Abidjan, Paris et le Berklee College de Boston. Très actif aux Etats-unis, il a côtoyé Herbie Hancock, Terence Blanchard, Charlie Haden et Jeff Ballard. Il a enregistré notamment en tant que leader Heritage avec le pianiste Robert Glasper ou Gaia en trio, mais aussi Aziza en compagnie de Dave Holland et Chris Potter.
A la contrebasse, Kummert retrouve Nicolas Thys qu'il a croisé au sein de Voices comme du Yves Peeters Group. A la batterie, le Canadien d'origine Karl Jannuska qui a croisé Kurt Rosenwinkel comme Mark Turner ou Lee Konitz. Etabli en France depuis 2000, il a enregistré avec Gueorgui Kornazov, Frank Amsallem ou François Théberge.
Au répertoire, dix compositions personnelles mais aussi des versions très personnelles d'Hallelujah de Leonard Cohen ou Gnossienne de Satie, avec, à chaque fois, une version en quartet et une autre en duo avec Loueke.
Au ténor, Nicolas Kummert possède une réelle sonorité personnelle, avec une coloration veloutée (Gnossienne), parfois voilée (intro de Lighthouse), toujours avec un lyrisme mélodique enjoué (Gnossienne à deux, Hallelujah again) et, sur certaines plages, cette technique qui consiste à mêler la voix au souffle du saxophone (Lighthouse, La terre ne ment pas).
L'alternance entre quartet et duo (Le vent se lève, Gnossienne à deux, Le peuple de l'arc-en-ciel, Hallelujah again) permet de mettre en valeur toute la polyvalence de Lionel Loueke, tantôt à la guitare électrique en quartet, avec des fulgurances électriques (Harmattan, And what if we were not) ou avec des accents africains, proches de la sonorité d'une kora (Hallelujah, Le peuple de l'arc-en-ciel), tantôt, plus intimiste en duo, à la guitare acoustique, souvent avec des accents folk.
La rythmique fait preuve de souplesse et de réactivité, la contrebasse est omniprésente: sur Hallelujah, c'est elle qui porte essentiellement la mélodie.
Enfin, à travers le répertoire, on retrouve la générosité naturelle de Nicolas, cette volonté d'engagement, déjà présente dans l'album Liberté (Stand up today, dédié à Trayvon Martin, jeune Noir tué par un vigile ou la reprise de Strange Fruit). ici véhiculent cet engagement des thèmes comme Lighthouse, Liberté, Le peuple de l'arc-en-ciel, ou Diversity over purity.
Une musique qui prône la diversité et évoque ces êtres "chassés par la guerre vers des pays qui ne veulent pas d'eux".
Un album davantage jazz que Voices, proclame Kummert, et il a raison: voici sans doute son meilleur disque. Le jazz y retrouve son essence: une musique de révolte qui prône la diversité.
Claude Loxhay