MONK’estra plays John Beasley
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Mack Avenue / Newartsint.
Les deux albums de John Beasley déjà consacrés à Thelonious Monk démontrent déjà l’intérêt du pianiste-compositeur-arrangeur pour la musique de « Sphere ». A un âge où son père, tromboniste de jazz, le pousse à jouer de la guitare, John Beasley entend Monk à onze ans et est sans doute marqué à vie par le jeu de celui-ci. Dans les volumes 1 et 2, Beasley donne une lecture passionnante de 22 compositions de Monk et recevra des critiques dithyrambiques de la presse spécialisée.
Avec ce troisième volume, John Beasley laisse une nouvelle fois résonner son big band sur des thèmes monkiens : « Monk’s Mood », le medley « Rhythm-A-Ning/Evidence », « Off Minor » et « Locomotive ». Mais il laisse cette fois plus d’espace à ses compositions personnelles, huit en tout, et à d’autres compositeurs qui ont eu une importance majeure sur sa carrière. Ellington apparait comme une évidence tant la qualité des arrangements de Beasley pour grand orchestre ne peut qu’avoir été inspirée par le Duke : « Come Sunday » chanté par Jubilant Sykes est une petite merveille de tendresse et de sérénité qui clôture l’album. « Donna Lee » évoque à la fois le projet « Bird Lives » de Beasley, et Miles Davis dont il fut le claviériste lors des dernières tournées du trompettiste, dans une version où se mêlent esprit bebop, calypso et hommage à la fantastique version solo que rendit Jaco Pastorius de ce thème.
Les huit compositions personnelles font elles aussi référence au parcours de Beasley, en jouant subtilement sur le format de chaque morceau, passant du grand orchestre au trio en passant par le combo hard bop avec trois souffleurs et par un court interlude aux synthés. Hommage à Hugh Masekela avec ses influences sud-africaines, au « Five Spot », club newyorkais ou à Sam Rivers. On trouve aussi une série d’invités qui marquent les thèmes auxquels ils participent : superbe Grégoire Maret sur « Monk’s Mood », étonnant apport de l’Hammond B3 de Joey De Francesco sur le medley monkien, velouté de la flûte de Hubert Laws sur « Locomotive », jeu musclé de Vinnie Colaiuta sur « Sam Rivers » et vertigineuse invention de John Patitucci.
Dans plusieurs compositions du leader, le clin d’œil à Monk reste présent avec la rythmique claudiquante, le placement de dissonances et les citations de-ci de-là. Si Monk est bien là au détour de chaque pièce, les arrangements et continuelles trouvailles de Beasley lui donnent de nouvelles couleurs, il faut réellement être « habité » par le génie monkien pour en arriver à ce degré d’empathie.
Avec « MONK’estra plays John Beasley », l’esprit monkien est perpétué avec classe et originalité.
© Jean-Pierre Goffin