Michel Mainil Quartet & LIsa Rosillo - Victor Jara, Le poète au chant libre
M
Travers Emotion
Né en 1955, Michel Mainil a d'abord suivi les Séminaires de jazz du Conservatoire de Liège, en compagnie de John Ruocco puis s'est inscrit au Conservatoire de Bruxelles sous la férule d'Erwin Vann. Fidèle en amitié, il a fondé un quartet avec le pianiste Alain Rochette, le contrebassiste José Bedeur et le batteur Antoine Cirri (albums Water and other games en 2004, Reflections in blue en 2010). Il a aussi joué avec les guitaristes Peter Hertmans et Vincent Romain ainsi qu'avec l'harmoniciste Olivier Poumay et a formé, avec la chanteuse d'origine espagnole Lisa Rosillo, un Spanish Jazz Project (premier album en 2014, puis Christmas Songs en 2017).
Toujours entouré d'Alain Rochette, Nicolas Yates (cb) et Antoine Cirri, Michel Mainil et Lisa Rosillo ont décidé de rendre hommage au poète et chanteur chilien Victor Jara, un homme engagé, communiste, fidèle partisan de Salvador Allende et qui fut arrêté et torturé par les milices du général Pinochet.
Au répertoire, dix textes de Jara, Gracias a la vida de Violeta Parra, icône de la chanson chilienne et la berceuse Duerme negrito qu'a notamment interprétée l'Argentin Atahualpa Yupanqui. Lisa Rosillo interprète ces textes d'une voix chaude et ondulante. Le quartet l'accompagne d'un middle jazz qui fait alterner tempo vif (El derecho de vivir en paz) et ballade (Duerme negrito, Deja la vida volar), avec parfois des colorations latines (Lo único que tengo, Canto libre).
Michel Mainil passe d'un ténor vigoureux (5 titres dont Vientos del pueblo) à un soprano volubile (six titres dont Manifiesto ou La Cocinerita). Certains évoqueront une impression de décalage entre ces textes engagés et ce jazz mainstream qui ne refléterait pas la révolte du poète. C'était l'époque du protest song aux USA (Bob Dylan, Joan Baez) et de la chanson sud-américaine engagée en faveur de Salvador Allende (Jara, le groupe Quilapayun au Chili, Atahualpa Yupanqui en Argentine) et avec le populaire Cuarteto Cedrón on était loin du jazz nord-américain. Mais il faut reconnaître que, dans l'interprétation de ses textes, il n'y avait pas de véhémence chez Jara, une spontanéité accompagnée d'une simple guitare, d'une flûte des Andes et de petites percussions.
Pourtant les textes expriment une réelle révolte:
Dans Manifiesto:
Yo no canto para cantar (Je ne chante pas pour chanter)
Ni por tener buena voz (Ni parce que j'ai une belle voix
Canto porque la guitarra (Je chante parce que la guitare)
Tiene sentido y razón (A raison et fait sens)
Dans El derecho de vivir en paz:
Le droit de vivre
Poète Ho Chi Minh
Qui résonne du Vietnam
A toute l'humanité
Aucun canon n'effacera
Le sillon de ta rizière
Le droit de vivre en paix
Canto libre:
Mon chant est un chant libre
Qui veut s'offrir
A qui lui tend la main
Continuons à chanter ensemble
Pour toute l'humanité.
Vientos del pueblo:
De nouveau ils veulent salir
Ma terre avec du sang ouvrier
Ceux Qui parlent de liberté
Et qui ont les mains sales.
A chacun de se faire une opinion mais il faut rendre grâce à Lisa Rosillo et Michel Mainil de célébrer la mémoire de ce "Poète au chant libre".
© Claude Loxhay
une collaboration JazzAround/Jazz’halo