Maria Pia De Vito (feat. Chico Buarque) - Core (Coraçâo)
M
Jando Music/Via Veneto - Millesuoni
Le public belge connaît bien Maria Pia De Vito, la vocaliste née à Naples en 1960, notamment au travers du projet de David Linx, One Heart, three Voicies, à trois voix avec la Néerlandaise Fay Claassen (concerts aux Dinant Jazz Nights ou à Jazz à Liège et album de 2005).
Pour le label EGEA, elle avait enregistré Phoné avec Gianluigi Trovesi et John Taylor, ainsi que Nauplia avec Rita Marcotulli. Sur Verso, elle était entourée de Ralph Towner et John Taylor et, avec Paolo Damiani, elle avait gravé Song Tong.
Vocaliste à la technique vocale très originale, elle est tout autant passionnée par le jazz que la musique traditionnelle ou classique: pour ECM, elle a donné une version personnelle de Il Pergolese, avec le pianiste français François Couturier et le clarinettiste Giovanni Mirabassi.
Il y a sept ans, le guitariste brésilien Guinga l'a invitée pour un premier concert, le fait de traduire des chansons brésiliennes en dialecte napolitain lui a ouvert de nouveaux horizons. La traduction de Vocè Vocè a été l'occasion d'une autre rencontre: avec Chico Buarque. Une longue relation épistolaire s'est alors instaurée entre la Napolitaine et le Brésilien. Ainsi a-t-il accepté de collaborer à cet album Core - Coraçâo, chantant avec l'Italienne Todo Sentimento et O Piccerillo.
Pour cet album Via Veneto, Maria Pia De Vito a réuni une équipe de rêve.
A la clarinette, Giovanni Mirabassi qu'on a pu entendre aux côtés de Rabih Abou Khalil comme de Richard Galliano (album Coloriage) et qui a, à son actif, une discographie impressionnante sur le label EGEA: Fiabe avec Stefano Battaglia (p); Lo Scortino et Uno a zero avec l'accordéoniste Luciano Biondini et le tubiste Michel Godard; New Old Age avec John Taylor et Steve Swallow; Moon avec Kenny Wheeler et, rapport direct avec Core, Graffiando Vento avec Guinga.
Au piano, le Gallois Huw Warren qui a côtoyé Kenny Wheeler comme Mark Feldman (vl) et a déjà enregistré, avec Maria Pia De Vito, Dialektos et O Pata Pata.
A la guitare, Roberto Taufic. Né au Honduras, il s'est d'abord dédié à la musique populaire brésilienne puis s'est installé en Italie, jouant avec Enrico Rava, Giovanni Mirabassi (Correntza) et la chanteuse Barbara Cassini (Terras).
Aux percussions, Roberto Rossi qui a côtoyé musiciens américains comme européens.
Enfin, sur deux plages (A Costruzione, O Ritorno d'o Jammone), l'Ensemble Vocale Burnoguala, un choeur d'une vingtaine de voix qui a déjà collaboré avec la Napolitaine à plusieurs reprises.
Maria Pia De Vito a choisi d'interpréter essentiellement des compositions de Chico Buarque, mais aussi Notturna et Vocè Vocè de Guinga, Eu te amo d'Antonio Carlos Jobim et Buarque et Agua e vinho d'Egberto Gismonti.
A l'exception de Todo Sentimento chanté en portugais avec Buarque, toutes les autres chansons ont été traduites en dialecte napolitain par Maria Pia De Vito.
Au fil des plages, on passe de rythmes très sautillants, comme le très connu Partido alto (Dio ce penzarrà, en napolitain), mais aussi A costruzione et O ritorno d'o Jammone, chanté avec choeur et percussions ou Teresella avec l'apport de Roberto Rossi, à des chansons remplies de mélancolie, de "saudade", comme M'abbasta nu jurno, Je t'amo, Notturna, Ll'acqua e' o vino ou Curre Maria.
La voix limpide et ondoyante de Maria Pia De Vito s'allie à merveille avec celle, chaude et tendre à la fois, de Chico Buarque et elle est admirablement secondée par le lyrisme mélodique de Giovanni Mirabassi (Facimmo ampresso, Notturna, Curre Maria et ce E dimme avec un très beau dialogue clarinette-voix), d'Huw Warren (belle intro de O Piccerillo ou M'abbasta nu juorno) et Roberto Taufic (Todo sentimento, Notturna, E dimme, Dio ce penzarrà).
Le mariage entre musique brésilienne et textes chantés en napolitain est une réussite totale: une vraie osmose entre deux cultures ancrées dans une authentique tradition populaire.
Un album à ne pas rater.
Claude Loxhay