Klaus Koenig Jazz Live Trio - Night Thoughts
K
TCB/Challenge Records
Voilà un pianiste dont le nom dit quelque chose : un trio avec Isla Eckinger (qu’on a entendu avec Chet Baker) et Pierre Favre à la batterie. Un trio qui a fait les beaux jours des sessions de la Radio suisse en accompagnant des dizaines d’invités américains comme Dexter Gordon, Phil Woods, Clark Terry, Art Farmer… mais aussi la descendance européenne du jazz d’outre-atlantique avec Albert Mangelsdorff, Franco Ambrosetti, Gianni Basso…
La formule trio s’est aussi étendue avec trois souffleurs pour former le group « Magog » expérimentant la parfaite égalité entre ses membres. Durant une quinzaine d’années – entre 1998 et 2013 – le pianiste dut stopper sa carrière suite à des problèmes d’articulation aux deux mains. Il revenait dans le circuit avec un quintet en 2014 et avec sa formation de prédilection, le trio. Une formule qu’il voulait complètement libre et équilibrée, chacun à l’instar du trio de Bill Evans, étant un des côtés du triangle équilatéral ; Klaus Koenig n’a jamais parlé de « mon trio », mais bien de « notre trio », une philosophie égalitaire née de la fin des années 60 et des années 70 où le free jazz européen avait le vent en poupe. Avec deux jeunes musiciens suisses – Patrick Sommer à la basse et Andi Wettstein à la batterie – Klaus Koenig connaît une véritable renaissance qu’illustre « Night Thoughts »
L’album s’ouvre sur l’énergique « Lefthander’s Blues », un blues dans la tradition avec une rythmique dans le temps et un piano souvent décalé un peu à la Monk, parfaite introduction à l’univers du pianiste. Suivent trois pièces en tempo lent, délicieuses ballades où on découvre entre autres le phrasé mélodieux du bassiste sur « Night Thoughts ». « Café de la Renaissance » reflète l’indépendance que chaque membre du groupe prend dans la construction d’un morceau où le drumming impétueux et inventif de Wettstein séduit à tout moment. « Song For Gianni » est un hommage au saxophoniste ténor italien Gianni Basso que Koenig a souvent accompagné ; un thème très libre où s’enchevêtrent les trois voix du trio avec une magnifique complicité. Curiosité de l’album, « Gog’s Dreams » est une pièce en solo –composition de Koenig comme les sept autres titres de l’album – évoquant les années free, mais aussi les expérimentations de la musique contemporaine autour du piano : claquements de porte, bruitages divers, percussion, cette œuvre sous-titrées « Nocturnal Piece for piano, percussion and scissors » rappelle l’intérêt des musiciens germaniques pour un jazz free délivré de l’influence américaine.
Jean-Pierre Goffin
© Palma Fiaccco