Kari Ikonen - Impressions, Improvisations and Compositions (jpg)
K
Ozella Music
Le pianiste finnois Kari Ikonen en est à son huitième album personnel alors qu’une cinquantaine l’ont déjà vu se produire entre autres avec Louis Sclavis (en duo), mais aussi épisodiquement avec Lee Konitz, Tony Malaby, Ron McClure et, plus près de nous, avec Manu Hermia et leur projet commun « Orchestra Della Luna » avec Sébastien Boisseau et Teun Verbruggen, avec qui il a sorti deux albums à l’originalité incontestable. Déjà lors des concerts de ce quartet, on avait pu apprécier les couleurs, souvent arabisantes, dont le pianiste parsemait le répertoire en utilisant un petit appareil qu’il attachait aux cordes du piano pour jouer des quarts de ton caractéristiques de la musique arabe. Ce « maqiano » (mot valise composé de maqam et piano) est une invention du pianiste qu’il utilise aujourd’hui régulièrement et qui participe à l’originalité de son album en solo.
Le titre de l’album est inspiré par l’œuvre de Kandinsky, un des artistes préférés du pianiste, dont un fragment du tableau « Blue » est représenté sur la pochette : « Les Improvisations étaient des expressions spontanées d’un sentiment interne, les Impressions étaient aussi des improvisations avec des influences externes et les Compositions aussi des visions internes mais contenant des structures plus complexes » explique Kari Ikonen.
Ce mix, on le retrouve dans la musique du pianiste, les impressions relevant du maqam oriental, certaines pièces étant de pures improvisations, alors que d’autres sont des compositions réfléchies.
L’album s’ouvre sur le court « Imprologue » où déjà le jeu du maqiano prend une place importante comme les effets percussifs mystérieux créés par le pianiste, mais moins que sur «Maqtu’Ah on Maqam Rast » où les quarts de ton et le jeu étouffé sur les cordes rendent à la perfection les couleurs qu’un peintre donnerait à sa toile.
Seule composition non écrite par Kari Ikonen, « Pinocchio » de Wayne Shorter est décrit dans les notes de pochette comme une de ses compositions préférées : ici, Ikonen utilise son Grand Steinway dans un esprit plus traditionnel d’où ressort son sens du rythme et de la surprise dans l’improvisation. On retrouve le maqiano sur « Taqsim on Maqam Saba » dont les sonorités fascinent autant par les questions qu’on se pose sur la nature de cette invention que par l’étrange atmosphère orientale qu’elles inspirent, tout comme sur les sonorités de gongs qu’on entend sur « Blue ».
Autre référence picturale, « Rausch » est inspiré par l’œuvre éponyme du peintre Paul Klee, proche de Kandinsky. Avec l’utilisation des cordes comme une harpe, « Koto » alterne les passages graves du piano et ceux ondoyant comme l’eau d’une cascade. Dans un esprit plus classique « Three-Chord Blues » précède « Trance Oriental » dont les premières notes pourraient faire penser à « My Funny Valentine », mais la mélodie arabisante une nouvelle fois domine avec une main gauche obsédante et sévère qui contraste avec le jeu enjoué et dansant de la main droite. « The Evergeen Earth » clôture l’album sur le rêve d’une terre verte pour toujours et respirant la santé, une vision que le jeu sombre du pianiste ne semble pas envisager.
Un disque solo d’une grande originalité dont la musicalité constante ravit de bout en bout.
© Jean-Pierre Goffin
Une collaboration Jazz’halo/JazzAround