Jacky Terrasson - 53
J
Blue Note
Après l'album Gouache de 2012, avec Michel Portal et Stéphane Belmondo, Take this avec le vocaliste Sly Johnson et Mother de 2016, en duo avec Stéphane Blemondo, voici le nouveau disque de Jacky Terrasson: "53", comme les 53 ans du pianiste qui a partagé sa carrière entre la France et les Etats-Unis. Est-ce étonnant lorsqu'on a un père français et une mère américaine?
Après un début de carrière en France, Jacky Terrasson gagne le Berklee College où il croise Danilo Perez. Au cours de ses nombreux séjours aux Etats-Unis, de Chicago à New York, il accompagne Dee Bridgewater et Abbey Lincoln et joue avec Michael Brecker. Il forme un légendaire trio avec le batteur Leon Parker et le contrebassiste Ugonna Okegwo (albums Reach ou Lover Man, par exemple).
Le revoici chez Blue Note pour son 15ème album en tant que leader: une série de compositions originales, révélatrices de ses 30 ans de carrière et de vie intense: "Pourquoi 53? Tout simplement parce que j'aurai conçu et enregistré cette musique au cours de ma 53ème année et qu'à cette occasion, j'ai voulu faire un disque qui me ressemble vraiment. Avec ce disque, j'ai eu envie de me livrer totalement, de prendre des risques, tout en assumant mon parcours, mes choix artistiques…" Et à ce propos, le choix de la formule en trio: "Le trio c'est vraiment la formule idéale pour moi, celle où je me sens le plus libre et qui m'apparaît la plus riche en potentialité créatrice, dans l'articulation entre expression individuelle et interaction collective."
Pour ce kaléidoscope, Terrasson a fait appel à trois rythmiques différentes constituées de musiciens expérimentés.
Sur six plages, à la guitare basse, Geraud Portal (repéré par David S Ware et Gary Bartz) et, à la batterie, Ali Jackson (Wynton Marsalis, James Carter, Richard Galliano), une rythmique tout en légèreté, avec belle sonorité de la basse et une précision constante de la batterie pour des thèmes au lyrisme mélodique enjoué (par exemple, The Call, Alma, La part des anges, Kiss Jannett for me, ce clin d'œil amusé à Keith Jarrett).
Sur 5 plages, Sylvain Romano (Quintet des frères Belmondo, Pierre de Bethmann) est rejoint par Gregory Hutchinson (batteur de Roy Hargrove ou Joshua Redman) pour des compositions au groove survolté (Mirror, Jump!, Babyplum, What happens au 6ème, Nausica).
Sur trois titres, on retrouve Thomas Bramerie (très recherché par les pianistes, comme Jean-Michel Pilc, Eric Legnini ou Antonio Farao) avec Lukmil Perez (batteur d'origine cubaine qui a joué avec Omar Sosa, Baptiste Trotignon ou Giovanni Mirabassi) pour le sensible My Lys, l'ingénieux Palindrome ou cette reprise de La part des anges (cette évaporation du cognac hors des tonneaux) avec une version du poème Enivrez-vous de Baudelaire (une sorte de devise pour Terrasson) récitée par Stéphane Menut.
D'autre part, le pianiste s'amuse à brouiller les pistes: This is mine, groovy à souhait, est joué avec une double rythmique, Lacrimosa inspiré de Mozart est l'occasion d'un solo et l'émouvant Résilience, hommage à sa mère, est joué en duo avec Geraud Portal.
Un album qui illustre parfaitement la maîtrise technique de Jacky Terrasson comme son tempérament passionné.
© Claude Loxhay