Igor Gehenot/Alex Tassel/Viktor Nyberg/Jérôme Klein: Delta (J.P. Goffin)
I
IGLOO Records
Voilà plus de cinq ans maintenant qu’on découvrait avec ravissement le premier album d’un nouveau jeune pianiste. Les habitués des clubs et des festivals (Dinant, Comblain,…) l’avaient déjà repéré avec le « Metropolitan Quartet » aux côtés d’un autre jeunot qui allait aussi faire parler de lui : Antoine Pierre. Aujourd’hui, Igor Gehenot a sorti en leader deux albums en trio chez IGLOO : « Road Story » avec Sam Gerstmans et Teun Verbruggen, puis « Motion » avec le même batteur et cette fois Philippe Aerts à la contrebasse. Voici cette fois son premier opus en quartet avec un line-up international : le Luxembourgeois Jérôme Klein qu’on rencontre souvent sur les scènes belges, le Suédois Viktor Nyberg qui a enregistré avec Pierrick Pedron le projet autour de la musique de Thelonious Monk, et enfin un souffleur dont on parle beaucoup outre-Quiévrain, le bugliste Alex Tassel.
Dès l’ « Intro » - c’est le titre du … premier morceau – on retrouve le son cristallin du pianiste sur les pièces lentes, avec une gravité troublante de la main gauche, des perles de notes qui résonnent et se prolongent avec le bugle sur « December 15 », une ballade hivernale tout en atmosphère et musicalité. « Moni » débute par un motif hispanisant à la Chick Corea pour se développer au bugle, suivi d’un beau solo de Viktor Nyberg qui entraîne de nouveau le bugle dans son sillage, une pièce habilement construite autour d’un motif récurrent de la main gauche du pianiste qui clôture le morceau.
Igor Gehenot possède l’art de vous mettre une mélodie dans l’oreille, c’est le cas avec « Sleepless Night », une ballade qui sied à merveille à la sonorité du bugle d’Alex Tassel et au drumming alangui (sur ce morceau seulement !) de Jérôme Klein. « Step 2 » démarre sur les chapeaux de roue puis s’apaise avant de relancer la machine sur un grand solo au bugle soutenu admirablement par la batterie et les accords, puis le solo du pianiste où on sent l’influence de Kenny Kirkland, du tout grand art baigné de tradition, à mes yeux la clé de voûte de ce brillant album. Il faut bien le climat apaisant d’« Abysses » pour se remettre de cet état de grâce.
Si toutes les pièces précédentes sont des compositions du pianiste, « Starter Pack » - à moins que ce ne soit « Johanna », une erreur de notation sur la pochette crée le doute – est d’Alex Tassel , une pièce rythmiquement plus carrée, mais au groove entêtant. « Johanna » serait de Tassel ou de Klein, et « Drop By » de Klein ? Peu importe finalement, voilà une petite confusion qui finalement démontre combien ces quatre musiciens planent dans les mêmes sphères gorgées à la fois de tradition et de lyrisme.
Dois-je encore ajouter que ce premier album en quartet d’Igor Gehenot a enthousiasmé l’auteur de ces lignes ?
Après une tournée mexicaine, ne les ratez pas au « Confluent Jazz Festival » de Namur le 14 avril 2017.
Jean-Pierre Goffin