Ibrahim Maalouf - Kalthoum / Red and Black Light
I
Mi'ster / Decca Universal
Né à Beyrouth, sous les bombes, en 1980, Ibrahim Maalouf a hérité de son père cette fameuse trompette à 1/4 de tons qui permet de jouer les modes propres à la musique arabe. Depuis la trilogie "DIA", trois albums sortis entre 2007 et 2011, le trompettiste libanais parcourt le monde. Après son hommage à Miles, "Wind", de 2012, il a reçu, en 2014, une Victoire de la Musique (Meilleur album de Musique du Monde) pour son album "Illusions".
Voici que sortent conjointement deux nouveaux albums conçus comme un hommage aux femmes: aux femmes qui ont bouleversé le cours de l'histoire ("Kalthoum") comme aux femmes d'aujourd'hui ("Red and Black Light").
Dans le premier album, Maalouf célèbre la grande chanteuse égyptienne Oum Kalthoum, une voix qui a bercé son enfance. Pour cela, il a imaginé d'arranger, à sa façon, l'un des grands succès de la diva, "Alf Leila Wa Leila" composé par Baligh Hamidi en 1969, une suite d'environ une heure. Sa version comprend sept plages: Introduction, Ouverture I et II, Movement I à IV. L'album a été enregistré à New York, avec la même équipe de rêve que "Wind", soit Mark Turner (ts), Frank Woeste (p), Larry Grenadier (cb) et Clarence Penn (dm). Avec une telle équipe, Maalouf propose un jazz inscrit dans la tradition mais teinté de sensualité orientale, avec des motifs mélodiques obsessionnels et de belles envolées du ténor comme de la trompette (Movement I).
Dans le second, il propose un jazz aux colorations électriques et au groove appuyé, où on le retrouve à la trompette mais aussi aux keyboards, en compagnie d'Eric Legnini ( Fender et bass synthé), François Delporte (guitare électrique aux sonorités saturées) et Stéphane Galland (à la batterie avec sa science des polyrythmes). Axé sur une esthétique plus électro-pop, l'album est constitué de 7 compositions originales auxquelles vient s'ajouter une reprise au répertoire de Beyonce: Run the World joué dans un esprit très "Miles électrique". Ce répertoire garde toujours un côté oriental propre à la trompette à quart de tons (Essentielles, Improbable), au travers de rythmes enflammés, si l'on excepte l'intro de Goodnight Kiss.
Preuve de sa popularité auprès des medias, Ibrahim Maalouf a présenté un extrait de cet album dans l'émission "C'est à vous" sur France 5. Très symbolique de l'esprit "media" phagocyté par le monde pop actuel, pas un mot de présentation pour la rythmique belge: on ne présente que la "vedette", pas les "comparses".
En guise d'introduction à ce "live", Pierre Lescure, solennel, proclame: "Vous êtes le seul jazzman à remplir des Zéniths". Ecoûter du jazz dans un Zénith, pour rester dans le langage télévisuel, "C'est (pas) mon choix."
Claude Loxhay