Henri Texier - Sky Dancers Sextet
H
LABEL BLEU
Ils ne sont pas nombreux les musiciens à avoir à ce point une forte identité qu'on puisse les reconnaître dès la première écoute, soit parce qu'ils possèdent un son vraiment personnel, soit parce qu'on identifie immédiatement la marque de leur écriture. Henri Texier est de ceux-là: il possède une sonorité et une écriture absolument personnelles.
Et ce nouvel album ne déroge pas à la règle: les neuf compositions originales de Sky Dancers renvoient, de manière immédiate, à l'univers personnel du contrebassiste parisien. De Comanche à Navajo Dream, en passant par Hopi ou Mapuche, Henri Texier rend, à nouveau, hommage aux Amérindiens qu'il avait déjà célébrés, en 1993, avec l'album An Indian's Week, enregistré par son Azur Quartet avec Michel Portal et Louis Sclavis en invités. Ici, c'est particulièrement à ces "danseurs du ciel" qu'il rend hommage: "Sky Dancers est le nom que se donnent entre eux les Amérindiens du Nord-Est de l'Amérique du Nord qui, grâce à leur supposée absence de vertige, construisent les gratte-ciel, en particulier ceux de New-York, et qui dansent sur les poutrelles, là-haut dans le ciel".
Dans ce nouvel album, on retrouve les trois complices du Hope Quartet, sa précédente formation, soit Sébastien Texier, virevoltant à l'alto et primesautier à la clarinette sur Paco Atao (il est présent aux côtés de son père depuis Mosaïc Man en 1998); François Corneloup, volubile au saxophone baryton (il était déjà là sur l'album Mad Nomads en 1995, puis sur Vivre et Water Alert) et Louis Moutin, précis et toujours juste, à la batterie. A la guitare, prenant la succession de Noël Akchoté et de Manu Codjia, on retrouve Nguyên Lê, l'un des guitaristes les plus personnels de la scène française actuelle: s'il n'avait jamais fait partie d'une des formations d'Henri Texier, il l'avait déjà croisé, en 2012, pour l'album 3+3 du trio Romano-Sclavis-Texier, avec, également, en invités Enrico Rava et Bojan Z. Enfin, au piano et aux claviers, on découvre le jeune trentenaire Armel Dupas que Texier avait découvert, par hasard, dans un petit jazz-bar en Vendée (cfr l'interview accordée à jazzaroundmag le 25 octobre). Diplômé du Conservatoire de Paris, Armel Dupas a accompagné la chanteuse Sandra Nkaké, formé le duo électro-jazz Water Babies, enregistré à son nom Upriver et composé des musiques de film pour Arnaud Despléchin, Michel Gondry ou Christophe Honoré: une belle carte de visite.
L'album s'ouvre avec Mic Mac joué en quintet sans guitare: l'occasion d'entendre de beaux solos de baryton, d'alto, de piano puis de contrebasse, avec cette volubilité propre aux pizzicati de Texier. A partir de Dakota Mab et son côté très "indien" induit par les tambours de Louis Moutin, Nguyên Lê se joint au groupe, avec sa sonorité lumineuse, en parallèle au piano électrique d'Armel Dupas. Les mélodies restent chatoyantes et les rythmes endiablés avec Mapuche, Comanche et Cloud Warriors (joué sans la guitare). He was just shining, dédié à Paul Motian, se veut plus apaisé, à l'image de l'album Respect enregistré, en 1997, avec Lee Konitz, Bob Brookmeyer, Steve Swallow et le batteur de l'Electric Bebop Band, tout comme Hopi, bel échange entre piano, guitare et contrebasse, joué sans les souffleurs et avec Louis Moutin aux balais, tandis que Navajo Dream est un solo de contrebasse. L'album se clôt sur Paco Atao, avec Sébastien Texier à la clarinette et Henri Texier à l'archet, dans un climat plus ténébreux.
Une chose est sûre: on est toujours comblé par un album d'Henri Texier: beauté lumineuse des mélodies, châtoyance des rythmes au service d'une large palette sonore, avec des musiciens faisant preuve d'une réelle complicité empathique. Bref, voilà un des albums les plus enthousiasmants de ces derniers mois.
Claude Loxhay
Article publié par jazzaroundmag.com