Gianluigi Trovesi - Mediterraneamente
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Dodicilune
Depuis Baghet en 1987, Gianluigi Trovesi a enregistré une quarantaine d'albums: dernièrement, j'ai pu chroniquer son duo en compagnie du pianiste Umberto Petrin (album Twelve Colours consacré à Skrjabin).
On a pu entendre Trovesi à diverses reprises en Belgique, notamment avec son octet, durant les festivals Jazz au Château d'Oupeye, Jazz aux Pyramides de Welkenraedt (projet Les hommes armés, commande d'André-Paul Laixhay) ou au Middelheim, avec un truculent Valeureux Liégeois.
Gianluigi Trovesi rassemble ici une série de fidèles complices. Le guitariste Paolo Manzolini, présent au sein du nonet (3 musiciens "folk", 3 cordes "classiques", 3 musiciens "jazz") pour le projet Round about a midsummer's dream. Le bassiste d'origine napolitaine Marco Esposito, qui a côtoyé le pianiste Claudio Angeleri ou Franco Ambrosetti et a enregistré, en compagnie de Trovesi, Around small fairy tales avec l'Orchestra da Camera di Nembro. A la batterie, Vittorio Marinoni, présent au sein de l'octet avec Pino Minafra (From G to G, Les hommes armés) et sur Around small fairy tales. Enfin, aux percussions, Fulvio Maras, l'un des plus fidèles compagnons de route du saxophoniste/clarinettiste: membre de l'octet, du nonet, du trio avec le tromboniste Giancarlo Schiaffini (Let), du trio avec Umberto Petrin (Vaghissimo Ritratto) et présent sur l'album Dedalo enregistré avec le WDR Big Band (ce projet a été présenté au festival Brosella en compagnie du BJO).
Mediterraneamente s'inscrit directement dans la lignée des projets qui exaltent "l'italianité" d'un certain jazz transalpin (cfr numéro spécial de Jazzaround en 2004 et l'interview de Pino Minafra pour Jazz in Time), c'est-à-dire la volonté de s'inscrire dans un héritage méditerranéen, qu'il s'agisse d'une tradition savante (musique de la Renaissance, opéra) comme populaire (danses traditionnelles comme la tarentelle, chansons napolitaines).
A côté des compositions originales (Gargantella, Cadenza Orfiche, Rina e Vigilio, Materiali), Trovesi emprunte une série de chansons populaires, souvent napolitaines (Tu ca nun chiagne de De Curtis, Tammurriata Nera de E.A. Mario, Le mille bolle blu de C.A. Rossi), un air traditionnel (Carpinese) et une mélodie du compositeur Andrea Falconeri du 17e siècle (en d'autres occasions, Trovesi a célébré l'opéra, avec Profumo di Violetta). Dans cette optique mélodique, on ne s'étonnera pas de retrouver aussi les deux classiques Yesterday de J. Kern et In your own sweet way de Dave Brubeck: Trovesi a toujours affirmé, en parallèle à cette "italianité", son attachement aux standards américains.
Cet album, c'est aussi la célébration de la mélodie, du lyrisme: "Per me molti di questi brani sono come delle serenate, qualcosa di particolarmente intimo". Ce qui explique l'importance de la guitare: guitare acoustique comme sur Carpinese ou Tu ca nun chiagne ou guitare électrique, avec parfois des effets saturés, comme sur Materiali.
On entend Trovesi essentiellement au saxophone alto, volubile et à la sonorité de velours, mais parfois à la clarinette alto, à la sonorité majestueuse, comme sur Gargantella et Le mille bolle blu.
Si la plupart des plages relèvent du lyrisme mélodique d'un registre très intimiste (Yesterday, Carpinese, Tu ca nun chiagne), d'autres adoptent un rythme plus fiévreux comme Cadenze Orfiche, avec une longue intro de percussions ou le rageur Materiali, avec effets saturés de la guitare électrique.
Voilà une sorte d'album bilan d'une des figures majeures du jazz européen.
© Claude Loxhay