Edward Perraud - Hors Temps
E
Label Bleu / L'Autre Distribution
Edward Perraud a une formation et un parcours pour le moins éclectique.
Né en 1971, il commence par la guitare puis se destine aux percussions classiques au Conservatoire de Rennes. Après une maîtrise en musicologie, il intègre le cursus de l'IRCAM (musique contemporaine), passe ensuite au Conservatoire de Paris et est l'élève de Daniel Humair. Il étudie ensuite les percussions indiennes notamment avec Ramon Lopez puis à Calcutta. En Belgique, on a pu le découvrir, lors d'un Jazz!Brugge, en compagnie de Sylvain Kassap et Didier Petit. Il a côtoyé les meilleurs musiciens et vocalistes de la scène française (Benoît Delbecq, Elise Caron, Louis Sclavis, Yves Robert) comme de la scène américaine (Tony Malaby). Il est un des membres tutélaires de Das Kapital avec l'Allemand Daniel Erdmann et le scandinave Hasse Poulsen) et il a participé, à Amiens, à la Carte blanche offerte à Henri Texier pour les 30 ans de Label Bleu, avec Michel Portal, Thomas de Pourquery, Manu Codjia et Bojan Z (chronique sur jazz'halo). Il a aussi enregistré des albums personnels comme Espaces, en trio avec Paul Lay (p) et Bruno Chevillon (cb).
Ici, il présente un trio avec de vrais complices.
Au piano, Bruno Angelini qui a étudié le piano classique puis jazz au Conservatoire de Marseille avant de rejoindre le CIM à Paris. En Belgique, on a pu l'entendre avec le vocaliste Thierry Peala (albums Innerstraces avec Kenny Wheeler ou New Edge avec Sylvain Beuf). Il a aussi fait partie de l'European Jazz Ensemble du trompettiste italien Giovanni Falzone, avec Robin Verheyen au saxophone, il a gravé Itrane avec Christophe Marguet et Sébastien Texier et a aussi enregistré Instant Opening et Open Land avec Edward Perraud et Régis Huby au violon.
A la contrebasse, Arnault Cuisinier qui a étudié la contrebasse classique puis jazz au Conservatoire de Paris. Il a joué avec Dave Liebman, François Jeanneau et Glenn Ferris et a enregistré Mineral Paradox et Synaesthetic Trip avec Edward Perraud.
Après Espaces, voici Hors Temps, que Perraud présente lui-même comme "une musique à fleur de peau", qui célèbre "l'éphémérité du son" avec l'intention d'"arrêter le temps" (d'où Hors Temps) et de s'inspirer d'un vers de Baudelaire, extrait des Paradis artificiels, "N'importe où! n'importe où! pourvu que ce soit hors de ce monde": On sent l'impact de l'actualité.
Dès Hors Sol, on pénètre dans une musique intimiste, comme suspendue en dehors du temps, avec un piano aérien et un beau travail de balais. Sur Flower on retrouve ce piano lyrique, qui peut très bien s'envoler, avec l'appui d'un subtil travail aux balais de Perraud. On retrouve aussi ce ballet tout en délicatesse sur Chien Lune ou Hors-Piste, sur un tempo plus vigoureux, avec un beau passage de contrebasse jouée à l'archet. Sur Flower of skin et Neguentropie (avec un tempo lent qui s'enflamme au fur et à mesure), le trio est rejoint par la trompette diaphane d'Erik Truffaz qui s'inscrit parfaitement dans l'esthétique 'en suspension" voulue par Perraud. Sur Hors la loi et Edukation, c'est la contrebasse qui introduit le thème, avec un style plus abrupt, plus "free". Firmament, avec son subtil travail aux cymbales, clôt l'album dans cet esprit "hors circuit, hors format".
Un des trios le plus passionnant de cette période "hors norme".
© Claude Loxhay