Edward Perraud - Espaces
E
Label Bleu - L'Autre Distribution
Le batteur Edward Perraut présente ici un trio qui réunit une des révélations de la nouvelle scène française, le pianiste Paul Lay, et un musicien chevronné, le contrebassiste Bruno Chevillon.
Les piano-trios sont légion. Comment se singulariser? Il faut d'abord que chacun se mette en évidence par sa maîtrise technique, sa personnalité originale. C'est le cas d'Edward Perraud, formé à la fois à la percussion classique au Conservatoire de Rennes, à la batterie jazz avec Daniel Humair et aux percussions indiennes, notamment avec Ramon Lopez. Ce l'est aussi avec Paul Lay, "le meilleur pianiste du moment" selon le critique Francis Marmande et avec Bruno Chevillon et sa contrebasse omniprésente à la sonorité ample.
Le parcours d'Edward Perraud est particulièrement éclectique: membre de l'ensemble de musique improvisée Hubbub avec le saxophoniste Bertrand Denzler, il est principalement connu comme étant le batteur de Das Kapital, le trio réunissant Daniel Erdmann (ts) et Hasse Poulsen (g). Il a aussi croisé le clarinettiste Sylvain Kassap (concert à Jazz Brugge avec Didier Petit au violoncelle), Yves Robert, Michel Portal, Tony Malaby ou LouisSclavis. Il fait aussi partie de Supersonic, la formation de Thomas de Pourquery (as) et a fondé un duo avec Elise Caron (voc). C'est à lui qu'Henri Texier a fait appel pour driver le sextet réuni pour fêter les 30 ans de Label Bleu, avec Michel Portal, Thomas de Pourquery, Bojan Z et Manu Codjia (album Concert Anniversaire 30 ans, chez Label Bleu).
Paul Lay a poursuivi ses études au Conservatoire de Paris, avec le pianiste Hervé Sellin, mais aussi Ricardo Del Fra et Dré Pallemaerts (ce qui explique peut-être le côté percussif de son jeu). Il a reçu le Prix Django Reinhardt du "meilleur artiste de jazz français" en 2016.
Il fait partie du quartet de Géraldine Laurent comme du quintet de Ricardo Del Fra. Il a enregistré Unveiling en 2010, Mikado en 2014 avec Antonin Tri Hoang (sax), Clemens Van Der Feen (cb) et Dré Pallemaerts (dm) et The Party en trio avec la même rythmique.
Bruno Chevillon, membre de l'Acoustic Quartet de Louis Sclavis, a croisé la crème du jazz français: Daniel Humair, Yves Robert, Stephan Oliva ou Marc Ducret et a fait partie de l'ONJ d'Olivier Benoît (Europa-Paris). Mais aussi nombre de musiciens américains: Tony Malaby, Ellery Eskelin, Tim Berne ou Paul Motian.
La réussite d'un album de piano-trio tient aussi à l'originalité du répertoire choisi: ici 14 compositions originales liées entre elles par un fil conducteur: "Ecrire tout un opus pour célébrer les intervalles, les 12 intervalles du langage tonal compris au sein d'une octave". Les références sont multiples: "la tierce majeure chez Mozart (L'âge d'or), la sixte et l'octave chez Brahms, la quinte harmonique chez Debussy, la septième majeure pour Satie, la quarte chez Coltrane".
Le résultat, c'est une alternance entre tempos endiablés (Elevation, Tone it down, Sixième sens, La dernière carte ou Just one dollar qui fait penser à Solal) et lyrisme serein (Collapse) ou musique méditative (Melancholia, Cinéma). Chacun est mis en valeur: Paul Lay et sa maîtrise technique qui allie lyrisme et jeu percussif, solo de contrebasse (pizzicati sur Collapse) ou jeu à l'archet (Tocsin), solo de batterie (Tone it down) ou cette intro de cymbales sur Tocsin.
Un projet totalement abouti.
© Claude Loxhay