Carla Bley/Andy Sheppard/Steve Swallow - Life Goes On
C
ECM/Newartsinternational
En évoquant le nom de Carla Bley, on pense immanquablement à la compositrice de « Escalator over the Hill » qu’elle interpréta avec le « Jazz Composer’s Orchestra » qu’elle créa avec son ami Mike Mantler, une musique mêlant musiciens de jazz, de rock et de musique du monde, un sorte de miroir des styles de la pianiste-compositrice.
Elle travaille aussi comme à l’arrangement du disque « Liberation Music Orchestra » de Charlie Haden qui affiche l’engagement politique de Haden tout autant que de Bley. Cinquante ans plus tard, Carla est toujours là, à la composition et au clavier, mais aussi comme on va le voir, fidèle à ses opinions. Steve Swallow, Andy Sheppard forment depuis plus de vingt-cinq ans un trio qu’on pourrait définir comme inclassable, si ce n’est qu’il porte bien la marque de la pianiste: ce nouvel album est donc bien du Bley pur jus.
Enregistré à l’Auditorio Stelio Molo Studio de Lugano, sous l’œil attentif de Manfred Eicher, ce nouvel album ne comporte que des compositions originales qui se divisent en trois « suites » : la première « Life Goes On » est une sorte de clin d’œil à la longue collaboration qui unit Bley, Swallow et Sheppard, avec les accents bluesy du piano en ouverture, les épisodes plus mélancoliques au centre de l’œuvre et une claire vision d’espérance en fin du quatrième volet.
Plus de cinquante après le premier « Liberation Music Orchestra », on retrouve toute l’ironie de Carla Bley dans le titre de la deuxième suite de l’album : « Beautiful Telephones » est inspiré par les premiers mots de Donald Trump lors de son entrée dans le bureau ovale de la Maison Blanche… « Copycat » constitue en un trialogue permanent entre piano, basse et sax. Si Carla Bley n’ a jamais été une des grandes virtuoses du clavier, son style très personnel fait de tradition – le blues est sous-entendu dans tout l’album – de phrases pleines d’humour et d’ironie, de phrasés monkiens, d’influences classiques contemporaines font le charme de cet album.
Tout comme l’excellente inspiration de Steve Swallow que je ne me souviens pas avoir entendu aussi en forme. Andy Sheppard aux saxophones ténor et soprano s’amuse à souligner les traits, à disserter avec élégance, à apporter un souffle bienvenu dans ces histoires toutes de la plume de la pianiste. A quatre-vingts ans passés, Carla Bley parvient toujours à nous enchanter.
© Jean-Pierre Goffin