Big Bad Brötzmann - Karacho / Biturbo, Capt'n
B
Euphorium Records
Représentant majeur du free jazz européen, Peter Brötzmann a, à son actif, une très longue carrière: il est né en 1941.
Il a d'abord côtoyé Peter Kowald (cb/tuba), mais aussi Don Cherry, Steve Lacy et Misha Mengelberg. Deux albums ont particulièrement marqué ses débuts de carrière: Machine Gun, en 1968, réunissait Evan Parker, Willem Breuker et Han Bennink et, en 69, pour Nipples, il retrouvait Evan Parker, en compagnie de Fred Van Hove et Derek Bailey.
Il a aussi fait partie des grandes formations free européennes: ICP Orchestra du Néerlandais Misha Mengelberg, le Globe Unity Orchestra de l'Allemand Alexander Von Schlippenbach ou le London Jazz Composers Orchestra du bassiste britannique Barry Guy. Suite à un séjour en Amérique, il a aussi fondé The Chicago Tentet, avec Joe McPhee et Mats Gustafsson.
Parmi les albums plus récents, on peut citer Song sentimentale avec la paire américaine formée par William Parker (cb) et Hamid Drake (dm) ou, en 2019, Fifty years after, avec Von Schlippenbach et Bennink.
Le voici en concert live au Nato Club de Leipzig, aux côtés d'Oliver Schwerdt (piano, percussion, petits instruments), un musicien, né en 1974, qui a participé à l'album Tumult / Krawall /Rabitz, en quintet avec Ernst Ludwig Petrowsky (CD plus mini CD Euphorium, chroniqué sur jazz'halo) ou Dry Swing -Tandem Spaces en duo avec Günter "Baby" Sommer. Mais aussi des contrebassistes, John Edwards, qui a joué avec Evan Parker, Tony Coe, Paul Dunmall, Kenny Wheeler ou Charles Gayle, et John Eckhardt, qui a une expérience en free jazz (Evan Parker) et musique contemporaine (Pierre Boulez), ainsi que du batteur-percussionniste Christian Lilinger, qui a joué avec Louis Sclavis, Barre Philips, Axel Dörner ou Rudi Mahall et qui, comme John Edwards, a participé à Tumult de Petrowsky.
Pour cette production, un CD de 51 minutes en quintet et un mini CD de 14'41 minutes en trio (piano - batterie), un trio qui s'est produit en ouverture du concert du quintet.
Dans ce Karacho (traduisez par "à fond la caisse"), on retrouve toute la virulence fiévreuse du saxophoniste allemand.
Après une intro de piano préparé, le ténor prend son envol, impose sa sonorité déchirée et rauque (on a souvent évoqué un parallèle avec Albert Ayler). Cet envol est suivi par une impro de Lilinger aux multiples cymbales et une contrebasse jouée à l'archet. Le ténor poursuit ensuite son discours enflammé et, après un solo de piano, vers la 25e minute, Brötzmann passe au tarogato (appelé aussi taragot, comme par Charles Lloyd), cet instrument en bois d'origine hongroise, à anche simple, et dont la sonorité semble intermédiaire entre saxophone soprano et cor anglais, une variante du hautbois. Puis, vers la 33e minute, il empoigne, avec la même exaltation, une clarinette incisive.
Il offre ainsi une parfaite image de ce free jazz européen mâtiné par un sentiment de révolte et voué à une improvisation totale.
© Claude Loxhay