Avishai Cohen - Big Vicious
A
ECM/Newartsint.
Avishai Cohen, le trompettiste, celui de la famille des « 3 Cohens » qu’on a vu à Liège il y a quelques années déjà, s’est révélé ces dernièrs temps comme un des trompettistes incontournables de la nouvelle génération.
« Playing The Room » en duo avec le pianiste Yonathan Avishai sorti en 2019 fait sans doute partie des plus beaux duos quant à l’intensité émotionnelle qui y est développée. Après avoir vu le nouveau projet du trompettiste « Big Vicious » à Flagey lors des concerts-anniversaire du label ECM, on pouvait s’attendre à un enregistrement fort différent de celui qu’on a sous les oreilles aujourd’hui... En effet, réunir deux guitaristes électriques – Uzi Ramirez Feinerman et Yonatan Albalak – et deux batteurs – Aviv Cohen et Ziv Ravitz – aux côtés du trompettiste et de ses effets spéciaux avec synthés, laissaient présager d’un mélange plutôt explosif. Et ce fut bien le cas sur la scène de Flagey : un son lourd et électrique, des soli au groove tranchant et à la limite du rock, le tout avec abondance de fumigènes, jeux de lumière et grosse ambiance dans la salle…
Et voici qu’Avishai Cohen nous surprend : « Honey Fountain » et « Hidden Chamber » ouvrent l’album de façon éthérée, avec des ambiances de guitares comme des nappes sonores sur lesquelles le trompettiste étend des phrases à la Miles Davis. « King Kutner » rappelle plus l’ambiance du « live » avec son côté rock assagi.
La « Sonate au Clair de Lune » de Beethoven nous transporte dans un univers onirique prenant, on y savoure le jeu des guitaristes derrière la mélodie, fascinante version. Tout comme pour ce grand écart avec les nappes sonores de « Teardrop » de Massive Attack, la pièce la plus longue de l’album, 7:24, alors que beaucoup de thèmes tournent autour des trois à quatre minutes, une concision qu’on trouvait déjà dans le concert de Flagey. Deux reprises donc et neuf compositions collectives ou du leader.
« Teno Neno » avec son court motif répété laisse deviner tout le potentiel d’énergie, ici retenue, que possède ce thème sur scène, avec son envolée chorale en final. La mélodie de « The Cow & The Calf » semble sortie des plaines de l’Ouest avec son passage sifflé et « Intent » clôture l’album comme il a débuté, dans la sérénité. Encore une fois un très bel album du trompettiste qui comme c’est le cas avec plusieurs poulains ECM, transfigure son répertoire une fois sur scène. Les deux facettes du trompettiste sont dans un cas comme dans l’autre tout aussi fascinantes.
© Jean-Pierre Goffin