Aka Balkan Moon: Alefba - Double Live
A
Outhere - Collection Instinct
Aka Moon est sans conteste l'une des formations les plus sollicitées par les instances culturelles tant en Belgique qu'à l'étranger (prochain concert du projet Alefba, au Théâtre National, le 6 octobre 2015), ce qui lui vaut d'être régulièrement invité en résidence. Ici, en l'occurrence à l'Abbaye de Royaumont, de 2012 à 2014, l'occasion dans la foulée d'enregistrer, en un double album, deux des trois projets mis sur pied: d'une part, Aka Balkan Moon, rencontre avec une série de musiciens des Balkans, d'autre part, Alefba, rencontre avec des musiciens et chanteurs témoins de la richesse musicale de l'Orient (Syrie, Egypte, Irak, Turquie).
"Aka Balkan Moon trouve son origine dans la beauté ancestrale des chants bulgares. Dans un esprit de pur folklore, de jubilation rythmique, de fantaisie mélodique." (F. Cassol, texte de pochette).
Présenté au festival Jazz!Brugge en 2012, le concert d'Aka Balkan Moon illustrait parfaitement certaines évidences que confirme l'enregistrement réalisé, deux ans plus tard, à Flagey, lors du Festival de Wallonie: la joie évidente de Michel Hatzigeorgiou, Tcha Limberger et Fabian Fiorini, tous les trois très en verve, à se confronter aux musiciens des Balkans, une effervescence manifeste dans les joutes rythmiques entre Stéphane Galland et Stoyan Yankulov au tupan (tambour cylindrique à deux peaux, percutées par deux baguettes de longueur différente) ou à la guimbarde, la discrétion, voire quasiment le retrait, de Fabrizio Cassol, auteur de six compositions sur sept, écrites à partir de chants traditionnels bulgares, la parfaite intégration de Nedyalko Nedyalkov et Vladimir Karparov, le premier virtuose du kaval (une flûte bulgare), le second s'offrant de superbes envolées de soprano. Par contre, et mon avis était partagé par Werner Barth de la BRF, les parties chantées par Tima Nedyalkova passaient plus difficilement à notre goût.
Avec Alefba, la formation s'étoffe encore davantage: au trio, viennent s'ajouter Magic Malik (flûte, vocals), Emmanuel Baily (g), Tcha Limberger (vl et vocals) et sept musiciens-chanteurs venus d'Orient: ouds, trompette, santur (cithare sur table: très belle intro solo sur Hadi) et darbuka (intro solo sur Sinaï, le seul morceau sans partie vocale).
Enregistré à Tournai en 2014, lors du festival Les Inattendues, Alefba montre encore davantage cet ancrage dans un "esprit de pur folklore". A la différence des nombreux précédents projets ("Elohim" avec K. Sivaraman au mrudangam, "Akasha" avec Raghunath Reth à la flûte et Aneesh Pradhan aux tablas ou "Live at Vooruit" avec Doudou N'Diaye Rose et ses tambours sénégalais), on a peine à retrouver le trio de base: ouds, santur, darbuka et surtout les voix dominent (5 titres sur 6), qu'il s'agisse d'improvisations faites à partir de poèmes anonymes ou de textes d'auteurs arabes. Une plongée dans "la joie festive témoignant de la beauté intemporelle des musiques arabes aux formes souvent extatiques et contemplatives" (texte de pochette).
© Claude Loxhay