« New York Sessions » est le second album de Fanny Bériaux, dix ans après le premier (« Blow Up My World »). Enregistré en 2013, ce deuxième opus rassemble quelques figures marquantes de la scène newyorkaise, mais aussi des amis.
Bonjour Fanny, vous sortez un album ( cd et vinyl) enregistré il y a sept ans à New York. Pourquoi avoir attendu si longtemps ?
L’album a été enregistré en 2013 et puis pas mal de choses déplaisantes dans ma vie se sont passées, j’ai été obligée de lever le pied. Ce qui fait que l’album a dormi pendant un certain temps.
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Vous associez cette sortie à une façon particulière de le présenter en public (au « Sea of Clouds », un centre de bien-être de la rue Haute avec une jauge de 25 spectateurs maximum).
Je voulais le sortir mais pas de manière classique, sans faire une tournée normale. On a créé un spectacle autour de l’album, de mon histoire, de mon histoire à NY, ce qui fait que ce sera quelque chose d’un peu hybride autour des textes que j’ai écrit ces derniers temps, et de l’album, mais sans tous les musiciens américains, revisité par moi seule au piano, avec des vidéos entre autres de New York car c’est là que l’album est né. J’avais l’impression que le sortir aujourd’hui sans autre chose c’était un peu me mentir à moi-même, parce que tout était vieux puisque enregistré il y a longtemps, tandis qu’ici je le replace dans un contexte plus actuel.
Dans notre interview de 2010, vous parliez d’un projet déjà présent dans votre tête, c’est celui-ci ?
Non, c’est un autre projet qui sera le prochain. J’avais déjà enregistré une chanson pour ce projet, puis à New York, je suis partie dans un autre truc, mais il y aura cette chanson dans le spectacle.
Quelle idée aviez-vous en tête en partant à New York ?
Rencontrer des musiciens, pas spécialement des jazzmen. Ma première intention, c’était l’envie de faire une mixtape des artistes que j’allais rencontrer à New York, mais financièrement c’était plus compliqué.
Kenny Barron est présent sur deux titres, un fameux pianiste !
Quand j’ai rencontré Kenny Barron, je savais qu’il était connu à New York, mais je ne savais pas du tout qu’il était un grand pianiste reconnu dans le monde entier… Je pense que si je l’avais su, je n’aurais pas osé l’aborder. Pour l’anecdote, des gens m’ont dit de le contacter, le projet lui a plu et j’ai eu une date prévue avec lui. Quand j’en ai parlé à un ami, il est tombé à la renverse, je ne savais pas qu’il était aussi connu !
Et comment cela s’est-il passé ?
Humainement, il est magnifique. En studio, par exemple, j’avais écrit quelque chose de spécifique, comme une direction pour un morceau, et lorsqu’on arrive à ce passage, Kenny joue à la note près ce que j’avais écrit qui n’était qu’un guide pour lui… Je trouvais beau qu’il s’applique sur ce que j’avais écrit avec mes petits morceaux, mais je lui ai dit qu’il était libre de jouer ce qu’il sentait, et ça a été magnifique du premier coup ! Il y a aussi John Medeski, lui je savais qui c’était ! J’étais aussi en contact avec Oren Bloedow d’Elysean Fields. Il a composé une chanson pour moi « Resisting It All »., c’est par lui que j’ai rencontré John Medeski. Il y a en fait beaucoup de musiciens sur l’album comme Jamie Saft, Ben Perowski, Tony Scherr, Matt Johnson…
Comment se sont passées les séances de studio avec tout ce beau monde ?
Il y a eu une session par artiste, on avait deux heures de studio chaque fois, c’est souvent deux prises, parfois une. C’est une façon de travailler plus instinctive, c’est là que je me sens le mieux, comme sur scène. Aujourd’hui tout va tellement dans l’autre sens que c’est bien de faire les choses dans l’authenticité. Avec des grands musiciens, c’est évidemment plus facile, et avec Kenny Barron encore plus : ce qu’on entend sur l’album, c’est le résultat de deux prises avec lui. La seule chanson qui a demandé plus de temps c’est celle d’Elysean Fields parce que je ne l’ai pas composée et que j’avais moins les choses en main, elle est un peu différente, elle sort un peu du lot.
Alors que votre premier album est en anglais, ici vous mixez anglais et français.
Le fait d’être à New York m’a poussé vers des textes en français. L’idée de mixer les cultures, de leur faire découvrir des morceaux de chez nous, Gainsbourg, Bécaud, même de Belgique puisque je reprends un morceau de Girls in Hawaii, c’était le moyen de leur faire découvrir ma culture. Et puis il y avait le fait en baignant dans ce milieu newyorkais de revenir à mes racines. C’était plus une force que d’aller imiter ce qu’on fait à New York.
Comment cet album résonne-t-il en vous sept ans après l’enregistrement ?
Quand je l’écoute aujourd’hui, il me parle toujours, il y a des stars, mais aussi des amis comme mon co-locataire newyorkais Gary dont on entend la voix. On sent que ce n’est pas un album remixé – mis à part la guitare de Julien Tassin et la Fanfare -, retravaillé… Il y a de la vie, c’est comme un cliché d’un moment de vie. L’album c’était un peu le feu de l’action, les musiciens newyorkais… Aujourd’hui, le spectacle est un peu le contrepoint de ce que j’ai fait à New York… Je l’ai vécu avec des étoiles dans les yeux, mais j’ai aussi vu l’envers du décor… Enregistré en trois mois et sept ans pour le sortir… Il me fallait quelque chose de plus lent pour faire revivre cette aventure… D’où le spectacle. Pour moi, je me sens plus nue d’être toute seule devant un petit public, c’est plus engageant que d’être sur scène avec plein de musiciens. J’aimerais tourner avec ce spectacle, comme un mix entre théâtre et chanson, plus dans cette ambiance, dans des lieux choisis. Je suis dans une démarche de renaissance, c’est pourquoi le spectacle s’appelle « Rebirth ». Je m’y interroge sur New York, le statut d’artiste aussi qui m’a beaucoup questionné. J’étais arrivée dans un moment de ma vie avec plus d’intimité, où le public et l’artiste sont proches, plus cosy, plus humain.
Concerts en petite jauge (25 personnes maximum) les 21 et 22 novembre 2020 au « Sea of Clouds », rue Haute, 180 à Bruxelles. D’autres dates à suivre.
Texte © Jean-Pierre Goffin - photos © Jeanschoubs
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