Jean-François Foliez Creative Playground 2017

Un tout nouveau projet pluridisciplinaire au Théâtre de Liège.



L'an dernier, à l'occasion du lancement de son album Lagune (label Igloo), le clarinettiste Jean-François Foliez s'était lancé dans un véritable pari : présenter son premier projet pluridisciplinaire Creative Playground, au Théâtre de Liège, dans la salle de la Grande Main : une salle comble de plus de 600 places. De retour d’une tournée de six concerts au Chili où il s’est produit là aussi dans de grandes salles, il réédite le même défi : un tout nouveau spectacle mêlant musique, danse, vidéo et théâtre. De toutes nouvelles compositions, de nouveaux invités, de nouveaux visuels, avec plus de 30 artistes réunis sur la scène du Théâtre de Liège.


Pour ce deuxième Creative Playground, tu retrouves ta formation de base mais avec de nouvelles compositions et de nouveaux invités...

Normalement, je devais retrouver le quartet de base : Janos Bruneel à la contrebasse et Xavier Rogé à la batterie et Casimir Liberski au piano, mais, le 4 mars, Casimir doit aller à Genève : il vient de recevoir le Prix piano-jazz 2016 de Montreux, il sera donc remplacé par Johan Dupont. Effectivement le répertoire est complètement différent : il s’agit de nouvelles compositions que j’ai écrites ou que mes invités m’ont proposées. Par ailleurs, tout le répertoire, à l'exception de deux compositions plus modernes, jungle ou disco, est joué avec l'ensemble orchestral, toujours avec des musiciens de l'Orchestre Philharmonique de Liège.
L'an dernier, c'était seulement le cas pour deux morceaux. Je retrouve ainsi un quatuor à cordes, avec Maritsa Ney, Violaine Miller, François Deppe et Sofia Constantidinos qui remplace Martin Lauwers au violon, des bois (Marie Watelet à la flûte, Sébastien Guedj au hautbois et son épouse Audrey au basson) et des cuivres (Sébastien Jadot au trombone et Jean-Paul Estiévenart à la trompette). Casimir amène une composition sur laquelle il va réaliser une vidéo avec son père Stefan Liberski.
Et puis, j'ai demandé à Johan Dupont, un de mes meilleurs amis avec qui je participe à beaucoup de projets, comme Music 4 a While dont le deuxième disque va sortir chez Igloo, d'écrire une pièce pour orchestre qu'on a déjà eu l'occasion de répéter ensemble. D'autre part, Emmanuel Baily a aussi écrit une pièce spécialement pour l'occasion. Je retrouve ainsi deux complices de l'Orchestra Vivo de Garrett List : c'est Garrett qui m'a incité à écrire pour une grande formation. Et puis, on va reprendre une des compositions de Janos Bruneel avec une vidéo live de Caméra Etc : pour cette improvisation, tout un système sera mis en place avec trois rétroprojecteurs pour agir sur l'écran. Ils seront trois ou quatre sur scène, mis en valeur aussi, à manipuler de la matière et faire une improvisation visuelle. Caméra Etc  présentera aussi un tout nouveau film d'animation sur Lagune, avec un graphisme très sophistiqué.


En plus de Johan Dupont et Manu Baily, tu reçois un autre invité...

Oui, le violoniste hongrois Roby Lakatos qui va jouer Mr Moustache, un titre tout à fait destiné à sa personne et à ses splendides bacchantes. Nous jouerons ce thème en quintet, dans un échange entre jazz et musique classique. Roby Lakatos réside toujours à Bruxelles mais il se produit partout dans le monde et possède une splendide discographie. C'est un monstre du violon, formé au Conservatoire Bela Bartok de Budapest et qui a côtoyé Stéphane Grappelli comme le London Symphony Orchestra.

Comment l'as-tu rencontré ?

Je l’ai rencontré grâce à son contrebassiste, Vilmos Csikos , avec qui j’ai joué, en compagnie de Casimir, pour l’anniversaire de la Maison du Jazz, à la Caserne Fonck. Du coup, il m’a proposé de faire un concert avec lui, notamment au Pelzer Jazz Club où j’ai organisé un concert pour lui. Cela s’est fait sous forme d’échange : histoire de partager nos univers. Pour moi, c’était l’occasion de jouer d’autres styles, d’échanger avec un vrai monstre comme lui.

Côté visuel, en plus de l’équipe de Caméra Etc, tu t’es assuré la collaboration de Stefan Liberski, bien connu pour ses sketches des Snuls avec Fred Jannin mais aussi pour ses films et celle de Jacques Charlier, peintre, photographe et vidéaste réputé internationalement. Comment les as-tu rencontrés ?

En fait, Stefan Liberski et Jacques Charlier étaient présents tous les deux à l’édition précédente et ils ont apprécié le spectacle. J’ai eu l’occasion de les revoir : Stefan lors d’un concert à Mazy. C’est à ce moment-là que je lui ai parlé. Je lui ai dit que j’avais envie de monter un deuxième projet, vraiment sous forme de spectacle. Je trouvais que c’était sympathique qu’il réalise quelque chose avec son fils Casimir qui a signé la musique de ses films Bunker Paradise et Tokyo Fiancée. Stefan va réaliser une vidéo avec bruitages : des éléments préenregistrés. Et c’est Casimir qui signe la composition pour l’orchestre. Pour Jacques Charlier, on a discuté du projet. Il m’a soumis l’idée de réaliser un clip vidéo avec des danseurs de hip hop, dans un décor imaginé par lui, à partir de ses peintures. La vidéo sera tournée dans la galerie de Nadja Vilenne où il expose ses œuvres. Moi, j’ai recruté les danseurs et j’ai enregistré l’audio, avec Johan Dupont et Xavier Rogé, dans le tout nouveau studio d’Etienne Plummer à Tilff . Sur scène, on va faire en sorte d’être synchro : on sera en phase avec l’image. Par ailleurs, deux danseurs de musique contemporaine classique vont créer une chorégraphie à partir d’une nouvelle pièce, une composition qui s’appelle Veduta que j’ai écrite pour une exposition de tableaux au Musée de la Boverie.


On retrouvera aussi le comédien Fabrice Adde, que l’on a vu dans les films de Bouli Laners (Eldorado, les premiers, les derniers) mais aussi dans The Revenant…

Oui, cette fois-ci, il va présenter des lettres de Depardieu. Il va être intégré de manière entière au spectacle dans une vraie mise en scène, avec des modulations de lumières : pas question d’avoir un texte récité, face à des musiciens, sans bouger. Pour la mise en scène, j’ai reçu l’aide du plasticien Samuel D’Ippolito, qui a réalisé l’affiche avec Kwac Studio et qui présente une expo dans le hall d’accueil du théâtre. D’autre part, la comédienne Charlotte Bouriez sera chargée de présenter les différentes parties du projet, avec la perspective de réaliser un spectacle en continu et pas de simplement présenter un album. J’ai essayé de lier le tout pour réaliser quelque chose de cohérent.

Au travers d’un tel spectacle pluridisciplinaire présenté dans une grande salle de théâtre, tu vises à toucher un large public, pas uniquement les amateurs de jazz…

Oui, j’espère, par exemple, amener des gens qui n’ont pas l’habitude d’aller voir ce genre de projet, vu que je fais quelque chose d’éclectique, un spectacle pluridisciplinaire qui marie une multitude de styles différents. J’espère inciter des gens qui ont, par exemple, l’habitude d’aller voir des pièces de théâtre à venir écouter de la musique, découvrir des chorégraphies. Et puis, au niveau des danseurs de hip hop et de musique classique, que ce soit Fiston Muteba, Selim Aydogdu et sa partenaire, j’espère les amener à un partage. C’est avant tout une démarche collective : je ne veux pas me mettre en avant, mais proposer un travail et une mise en commun : tous les artistes viennent là parce qu’ils sont motivés par le but du projet. Le jazz, l’improvisation, ce sont mes racines mais je puise aussi dans la musique classique. Le fait de rassembler des musiciens classiques, des improvisateurs, des artistes de la scène ou du cinéma, c’est super intéressant.


C’est facile de se produire au Théâtre de Liège qui a, de son côté, une programmation chargée ?

Non, le théâtre, je le loue : je viens avec mes techniciens, l’ingénieur du son, Daniel Léon, Lucky Vandevelde aux retours mais on est en collaboration avec le théâtre qui est actif au niveau des lumières et de la coordination du matériel. Mais nous ne sommes pas prioritaires par rapport à leur programmation théâtrale personnelle.

Un tel projet nécessite un budget colossal…

Oui, d’autant que je finance tout. Mais le budget n’est pas extensible : on est toujours en attente de sponsors.

Le projet débouchera-t-il sur un nouvel album ?

Je l’espère. Tout va être filmé par Joachim Delpupo, un caméraman très actif dans le milieu liégeois et tout va être enregistré par Daniel Léon. A partir de là, pourquoi pas un album live, avec vidéo, par exemple, chez Igloo, comme pour Lagune. Ou ailleurs : la porte est ouverte aux différents labels. Mais je fais ce projet avant tout pour avancer. C’est difficile de faire de la musique à l’heure actuelle, sans avoir l’impression de stagner. Je me mets comme objectif de toujours repousser les limites, d’aller plus loin, pas en terme de pure notoriété, mais en terme d’évolution, du travail musical et artistique qui est derrière, de  recevoir le plus possible d’autres influences artistiques, comme le théâtre, la danse, la vidéo ou le cinéma. Cela se vérifie, par exemple, avec Jacques Charlier qui m’a incité à écrire une nouvelle composition. C’est toujours dans l’urgence et la création, dans la recherche qu’on est le plus prolifique, ce n’est pas en restant chez soi.

Tu espères présenter le projet ailleurs ?

J’aimerais évidemment présenter le projet ailleurs. Mais il y a tellement de pistes, de choses à faire, que je n’ai pas encore pu prendre de contact. Il ne faut pas que ce deuxième Creative Playground soit un « one shot », surtout il faut que le principe évolue encore, en vue de créer de nouvelles mises en commun, créer une émulation vers un type de spectacle accessible à tout le monde et qui soit une porte ouverte à une multitude de styles et d’artistes de la scène belge.


Propos recueillis par C. Loxhay
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Article publié par jazzaround


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