Rik Bevernage, personnalité majeure du jazz belge

© Marijke Deweerdt

Le monde du jazz belge est en deuil: Rik Bevernage, la cheville ouvrière du label W.E.R.F., du club du même nom et de feu le festival Jazz!Brugge, nous a quittés.

Au travers du label, il a produit la majorité des musiciens du Nord du pays: de Kris Defoort (W.E.R.F. n° 1) à Bert Joris, en passant par Jeroen Van Herzeele, Ben Sluijs, Chris Joris, Peter Hertmans, Robin Verheyen, Fre Desmyter, Steven Delannoye, Jan de Haas, Erik Vermeulen, Frank Vaganée et son BJO, Octurn ou Saxkartel.

Mais aussi les musiciens francophones qu'il a toujours soutenus. Dès Sketches of Belgium, le premier album de 1993, on trouvait, aux côtés de Kris Defoort, Fabrizio Cassol, Michel Hatzi, Stéphane Galland et Michel Massot que Rik considérait comme "musicien incontournable". Il a aussi produit Trio Grande, tous les Rêve d'Eléphant Orchestra, une de ses formations favorites, mais aussi Nathalie Loriers, Jean-Paul Estiévenaart ou Laurent Blondiau, que ce soit au sein de Mâäk ou Mik Mâäk.

De 2002 à 2014, il a été la cheville ouvrière de Jazz!Brugge, un des rares festivals dédié au jazz européen, et toujours avec le même intérêt pour les musiciens francophones: en 2002, les trois formations belges n'étaient autres que le quartet de Steve Houben, le trio de Philip Catherine et Rêve d'Eléphant. Suivront, entre autres, Manu Hermia, Mâäk ou Pirli Zurstrassen.

Avec une répartition judicieuse des concerts, le premier au sein d'un musée, le deuxième, souvent dédié au piano, dans la salle de musique de chambre du Concertgebouw, les autres dans la grande salle, il a réuni un fameux kaléidoscope de la scène européenne. Des Français: Henri Texier, Louis Sclavis, Michel Portal, Richard Galliano, Joëlle Léandre, Bojan Z, Sylvain Kassap, Christophe Monniot, Michel Godard et quelques autres. Des Italiens: notamment, Enrico Rava, Paolo Fresu, Stefano Bollani, Rita Marcotulli, Antonelo Salis, Enrico Pieranunzi, Luciano Biondini, Giorgio Occhipinti ou Giancarlo Schiaffini. Des Britanniques: d'Evan Parker à Andy Sheppard, en passant par Tony Coe ou Django Bates. Des Néerlandais: de Misha Mengelberg à Han Bennink ou Bert Van Den Brink. Des Allemands, d'Albert Mangelsdorff à Joachim Kuhn ou Alexander Von Schlippenbach, Nils Wogram ou le Zentral Quartett. Des Portugais comme Carlos Barretto. Des Russes comme Simon Nabatov. Des Scandinaves, de EST à Bobo Stenson ou Pierre Dørge. Des Hongrois, avec la découverte du cymbalum de Miklos Lukacs et en ligne de mire une rencontre avec les responsables du Budapest Music Center.

Le festival a aussi été le cadre de fabuleuses rencontres: Chris Joris avec Bob Stewart, Claron McFadden avec le Artvark Saxophone Quartet ou Al Funduq de Pierre Vaiana. L'occasion aussi de découvrir de grandes formations comme le Vienna Art Orchestra, le BJO avec Bert Joris, le Barry Guy New Orchestra avec la crème du free jazz européen ou Tous Dehors et sa musique débridée.

Rik était aussi un jazzfan toujours disponible: lorsque pour la rédaction de l'ouvrage Sur la piste du Collectif du Lion, on a sollicité le témoignage de quelques organisateurs de festivals, il a été un des premiers à répondre. Son festival a aussi été l'occasion de diverses interviews: Manu Hermia, Laurent Blondiau, ou Jean-Marc Foussat.

Mais encore, un jazzfan curieux et fidèle, par exemple du Gaume Jazz Festival: convaincu par le concert de Nathalie Loriers en compagnie de Tineke Postma et Philippe Aerts, il a décidé de produire un album live.

Bref un homme enthousiaste.

Rik va cruellement nous manquer.

© Claude Loxhay