Meeting Mr Thomas : Deux concerts hommages, 40 ans après la mort du guitariste liégeois.

Liège, janvier 1975 :

« On apprend à Liège, le décès du célèbre guitariste belge René THOMAS, survenu vendredi soir à Santander, en Espagne. Le musicien, en tournée avec Lou Bennett et Al Jones, a été victime d'un malaise soudain et a été hospitalisé vers 18 heures. Il succombait vers 21 heures à une crise cardiaque. Un concert sera organisé à Liège pour couvrir les frais de rapatriement du corps. » (Le Soir, 4 janvier 1975)

Onze jours plus tard, la salle du Conservatoire est comble. Au coin d'un couloir, on vend, à la sauvette, le dernier album de René, enregistré un an plus tôt par un petit label anversois Vogel. Dans les coulisses, les musiciens affluent. Ils sont près de 40 : Belges bien sûr, mais aussi Français, Hollandais, Canadiens ou Américains. En première partie, les nationaux : Léo Fléchet, Sadi et le grand orchestre de la BRT, Solis Lacus de Michel Herr avec Robert Jeanne, Jacques Pelzer, Steve Houben avec l'Open Sky Unit. Ensuite, viennent les copains guitaristes : Jimmy Gourley avec Jacques Pelzer, Raymond Le Sénéchal, Alby Cullaz et Kenny Clarke, Christian Escoudé avec Johnny Griffin et Art Taylor, Boulou Ferré avec Roger Guérin. Meeting et Indicatif sont l'occasion de beaux chases dans la meilleure tradition bop, mais le moment de plus intense émotion, c'est à l'ami de la première heure qu'on le doit : accompagné de Michel Graillier, Alby Cullaz et Bernard Lubat, Jacques Pelzer joue Juliette. L'hommage est à la hauteur du musicien, célébré par Sonny Rollins, Chet Baker, Lee Konitz ou Stan Getz, mais, afin de trouver les fonds pour rapatrier son corps, il a fallu organiser ce concert.


(photo archives Mon Devoghelaere)

Liège, octobre 2015 :

Le roi René est mort depuis 40 ans mais sa musique est restée vivante. Après les hommages rendus par Saxo 1000 en 1980 et par les 11 guitaristes réunis par Fabien Degryse pour l'album Igloo « Hommage à René Thomas » de 1997, voici deux concerts-célébrations, deux manières complémentaires d'aborder l'univers de Mr Thomas.

Le 2 octobre, le Centre Culturel d'Ans-Alleur a opté pour une formule intimiste qui met parfaitement en valeur la guitare : le trio de Quentin Liégeois, avec Victor Foulon à la contrebasse, un élève de Jean-Louis Rassinfosse et, à loa batterie, Armando Luongo diplômé du Conservatoire de Bruxelles. Qui mieux que Quentin Liégeois peut célébrer le roi René : il allie à la fois cette sonorité limpide propre à la Gibson de Mr Thomas, ce lyrisme mélodique à fleur de peau et cette capacité de faire chanter la note. Django d’Or Jeune Talent en 2009, Quentin a mis sa sensibilité au service du quartet de Pascal Mohy, du trio de Greg Houben, du quartet manouche de Daniel Willem comme du Guitar Orchestra de cet autre admirateur de René : Philip Catherine.

Le 17 octobre, à la salle des Fêtes de Droixhe où avait déjà eu lieu l'hommage à Bobby Jaspar, la Maison du Jazz de Liège a choisi une tout autre option pour son « Meeting Mr Thomas » : à 19h30, projection de films d'époque réunis et présentés par Jean-Pol Schroeder. A 20h30, concert mais dans une autre optique : une formule élargie avec 8 musiciens qui peuvent se réunir en différentes formations, un peu à l'instar d'une jam session endiablée. D'abord, deux témoins directs, anciens complices de René Thomas : le saxophoniste Robert Jeanne et le batteur Félix Simtaine. Le premier a joué très souvent avec René dans tous les clubs de Liège : en témoigne une célèbre photo prise à l'Esquinade en 1968 avec J.R. Monterose comme deuxième ténor, Léo Fléchet au piano, Freddy Deronde à la contrebasse et Félix, les yeux clos, à la batterie. On retrouve aussi Robert et Félix sur différentes plages du premier volume de « Guitar Genius », album RTBF de 1991. Un deuxième ténor ici aussi : Vincent Mardens des Sweet Dealers. Pas moins de trois guitaristes : Jacques Pirotton qui a longtemps joué en duo avec Jacques Pelzer ; Mimi Verderame, auteur d'un Song for René enregistré avec Robert et Quentin Liégeois. Enfin, une rythmique « Maison du Jazz » : Pascal Mohy au piano et Sam Gerstmans à la contrebasse qui ont longtemps formé un quartet avec Quentin Liégeois. Ces musiciens n'ont pas été choisis au hasard.


René Thomas: 3 ans

Mr Thomas par René, Christian, Sonny, Daniel, Stan et les autres...

« J’ai d’abord été influencé par Django. J’ai toujours aimé le côté tzigane de son style…A Paris, dans les années ’50, pour bien jouer, il fallait jouer comme Jimmy Raney. Raney a innové sur le plan harmonique, c’est incontestable…Il a été très écouté et pas seulement par des guitaristes. »
(René Thomas, JazzMag, n° 86)

« J‘ai beaucoup aimé René. Je pense qu’il avait fait une sorte de synthèse de Django et Jimmy Raney. Il jouait des phrases très saxophonistes mais avec le son de Django. Il avait quelque chose de gitan » (C. Escoudé, JazzMag n°373)

« I know a Belgian player that I like better than any of the Americans I’ve heard”
(Sonny Rollins, texte de pochette de l’album Sonny Rollins Brass de 1958)

« C’est important de voir ce qu’il se passe là-bas (aux Etats-Unis), surtout à certaines époques. Moi, par exemple, je suis heureux d’y être allé entre 56 et 62. Il y avait des types comme Freddie Hubbard, Herbie Hancock, qui n’étaient pas très connus. Je faisais le bœuf avec eux… Je devais courir avec ma guitare et mon ampli. » (René Thomas, JazzMag n°230)

« J’ai quitté les Etats-Unis uniquement pour des raisons sentimentales. Je voulais revoir mes amis belges et français. » (René Thomas, JazzMag 86)

« One of my first emotions playing with a jazz group was certainly with Bobby Jaspar and René Thomas. They both possessed an incredible jazz technique, sensibility and knowledge of the music.” (Daniel Humair, texte de pochette “At Ronnie Scotts 1962)

« The Belgian guitarist, René Thomas, I had known many years ago when he lived in Canada…I had always felt a rapport and affection for René, disciple and heir to Django Reinhardt’s special legacy, a gentle soul mixed with absentminded poetry and earthy gypsy fire.” (Stan Getz, texte de pochette “Dinasty”, 1971)


avec Stan Getz (photo archives Mon Devoghelaere)

« Eddy (Louiss) est génial… René est une sorte de minstrel de la guitare, il est comme un gitan. Je veux qu’Eddy et René soient entendus aux Etats-Unis. Ils devraient être mondialement connus.»
(Stan Getz, jazzMag n°188)

«Je joue comme je joue et je ne veux pas, sous prétexte de séduire, m’adresser vulgairement au public. La reconnaissance des musiciens me suffit. »
(René Thomas, JazzMag 86)

Cette reconnaissance de la part des musiciens, René l’a obtenue de manière manifeste : Philip Catherine lui a dédié une composition simplement intitulée René Thomas (album « Guitars »), John Mc Laughlin et Larry Coryell ont joué René’s Theme inspiré par Ballad for Leo (album « Spaces »), Michel Graillier a composé Song for René qu’il a joué avec Jacques et Micheline Pelzer et Lou Bennett a enregistré I remember René en 1980. Ajouter à cela, les douze guitaristes de « Hommage à René Thomas » (Igloo 1997) : Philip Catherine, Fabien Degryse, Peter Hertmans, Jacques Pirotton, Paolo Radoni, JeanFrançois Prins, Pierre Van Dormael, Mimi Verderame, Hendrik Braekman, Patrick Deltenre , Karl Van Deun, Hans Van Oost.


Photo: Jo Verthe

Guitar Genius :

Faut-il revenir sur la biographie du roi René ? Ses débuts à Liège dans les années ’40, auprès de Raoul Faisant, Hubert Simplisse et Maurice Simon, sa rencontre avec les Bop Shots de Bobby Jaspar et Jacques Pelzer à l’invitation de Pierre Robert, le guitariste attitré de la formation ou celle avec Django ? Ses séjours parisiens dans les années ’50, au cours desquelles il rencontre Henri Renaud, René Urtreger et Jimmy Gourley qui lui fait découvrir Jimmy Raney ? Son séjour au Canada et son passage par New York ? Son retour en Europe et ses multiples rencontres ?

Pour découvrir les différents épisodes de sa vie, rien de mieux que de se replonger dans « L’Histoire du jazz à Liège » concoctée en 1985 par Jean-Pol Schroeder (notice riche en anecdotes p. 319-324) ou dans le « Dictionnaire du jazz à Bruxelles et en Wallonie » de 1991, avec une notice extrêmement détaillée, signée à nouveau par Jean-Pol (p. 287-296).

Jazzaround a choisi une autre optique.

Meeting Mr Thomas… au fil de quelques albums.

Pour une discographie détaillée, on peut se reporter à l’article de Jean-Pol Schroeder paru dans le n° 7 de Jazz in Time, en octobre 1989 : « Essai discographique » p. 5-13. D’autres articles figurent dans les n° 26, 34 et 43. Voici plutôt une sorte de parcours thématique :


avec Felix Simtaine (Esquinade)

Les débuts à Liège:

“Artistes de Wallonie et de Bruxelles”, WBM 114, anthologie : le double cédé permet d’entendre, notamment, René Thomas au sein de l’orchestre d’Hubert Simplisse (acc) avec Raoul Faisant (ts) et Maurice Simon (p) : assez anecdotique.

Le Paris des années ’50 et ’60 :

« Artistes de Wallonie et de Bruxelles », le même album permet d’entendre René Thomas en compagnie d’Henri Renaud (p) et Buzz Gardner (tp), un titre qui figure sur le cédé suivant.

« The 1954 Paris Sessions », Vogue, 1999, quatre sessions autour d’Henri Renaud. Sept plages avec René Thomas dont Thomasia.
René Thomas Modern Group, « The real cat », Polydor, Paris 1956. Huit plages: René est accompagné par Serge « Bib » Monville (ts), Roland Ronchaux (p), Benoît Quersin (cb) et José Bourguignon (dm). René exprime à loisir son sens du swing.

Sonny Criss, « Mr Blues pour flirter », Jazz in Paris, Gitanes Jazz Productions, 1963. Un album au nom du saxophoniste Sonny Criss, avec René Thomas et Georges Arvanitas au piano. Au répertoire huit grands classiques.

René Thomas, «Blue Note, Paris 1964 », deux sessions différentes en compagnie, notamment, de Pony Poindexter (as, ss) et Georges Arvanitas (p)


avec Sonny Rollins (Photo: JP-Hubin)

New York :

Sonny Rollins, “Sonny Rollins Brass – Sonny Rollins Trio”, Verve LP, 1958. Une face en grande formation, quatre titres : sur Far Out East, René Thomas est le seul soliste avec Rollins, sur Who cares ? Thomas est soliste avec le pianiste Dick Katz, sur Grand Street, il est soliste avec Nat Adderley au cornet. L’autre face est enregistrée en trio sans René.

René Thomas, « Guitar Groove », Jazzland LP, 1960. Un des meilleurs albums du Liégeois. 7 titres (Ruby my dear de Monk, Milestones de Miles, deux classiques et trois compositions de J.R. Monterose, : cinq titres enregistrés en quintet avec J.R. Monterose (ts), Hod O’Brien (p), Teddy Kotik (cb), Albert Heath (dm), un en quartet sans saxophone, un en trio. Le répertoire se veut résolument moderne et bopisant.


avec John Coltrane (Photo: JP Leloir)

Canada :

René Thomas, « Guitar Genius Vol.2 », RTBF 1992. Quatre plages enregistrées à Montréal en 1960, Milestones, Blue Train de Coltrane, Motion de Raney et Au Privave de Parker joués en trio avec Bob Roach (cb) et George Braxton (dm).

Chet Baker :

Chet Baker « Chet is back », RCA, Rome, janvier 1962. Le grand retour de Chet en sextet avec René, Bobby Jaspar (ts, fl), Amadeo Tommasi (p), Benoît Quersin (cb) et Daniel Humair (dm). Un « must » : compositions de Monk, Parker, Rollins, Oscar Pettiford, deux standards et Ballata in forma di blues d’Amadeo Tommasi, un pianiste italien né en 1935 et vainqueur d’un concours organisé par la RAI. Plus tard, il se consacrera essentiellement à la musique de film. Enregistrée entre 14 et 24 heures, la séance de « Chet is back » permet de retrouver les savantes introductions du guitariste, les longues remontées du grave à l’aigu, les vibratos et cette façon si particulière de tenir la note qu’elle semble revenir en écho.

Chet Baker – René Thomas Quintet, « Hallucinations », Live in Bologna, avril 1962, album pirate Jazz Birdies of Paradise. Chet et René accompagnés par le pianiste suisse George Gruntz, K.T. Geyer (cb) et Eberhard Stengel (dm). Outre Hallucination de Bud Powell, Our Delight de Tadd Dameron, Solar de Miles, Donna Lee de Parker enchaîné à Pennies from heaven. De longues plages « live » avec un Solar de 22 minutes.

Chet Baker, « Stella by starlight », Rome 1964, cédé West Wind de 1989. Chet et René avec Glauco Maseti (as), Franco Cerri (cb), Gianni Cazzola (dm) et un “unknown flutist » qui, selon Jean-Pol Schroeder, ne serait autre que Jacques Pelzer. Au répertoire : Miles (Serpent’s tooth), Brubeck (In your own sweet way), Ornette Coleman (When will the blues leave), trois classiques (My funny Valentine, Stella by starlight, Short Bridge) et Theme for Freddy attribué ici à Chet…


Barney Wilen, René Thomas, Charles Bellonci - Jam au "Century", 1964

Bobby Jaspar:

Thomas – Jaspar Quintet, LP RCA 1962, René et Bobby retrouvent Amadeo Tommasi, avec deux rythmiques italiennes différentes : Maurizio Majorana (cb) et Franco Mondini (dm) ou Majorana avec Francesco Lo Bianco. Bobby au ténor sur Half Nelson (Miles), But not for me, I remember Sonny de René, à la flute sur Theme for Freddie de René, Hannie’s Dream de Tommasi et Bernie’s Taste de Cole Porter. Oleo de Rollins est joué par René en quartet sans Bobby et Smoke gets in your eyes en solo : un vrai régal.

The Bobby Jaspar Quartet, « At Ronnie Scott’s », Mole Jazz LP, Londres 1962. Emmené par un Daniel Humair survolté, Bobby et René enregistrent l’un de leurs meilleurs disques. Le fidèle Benoît Quersin est à la basse. Deux classiques, deux Rollins (Pent-Up House, Oleo), Our Delight de Tadd Dameron et Be like Bud de Bobby. Un quartet d’enfer.


avec Bobby Jaspar (photo archives Mon Devoghelaere)

Lou Bennett:

Lou Bennett, “Enfin”, RCA LP 1963, le premier album de l’organiste avec René, après “Amen” enregistré en 1960 avec Jimmy Gourley. Gilbert Rovère est à la contrebasse et Charles Bellonzi à la batterie. Enfin de Lou Bennett, un Moment’s Notice de Coltrane sur les chapeaux de roue, J.J. de J.J. Johnson et deux splendides compositions de René : I remember Sonny, Indicatif.

René Thomas, « Meeting Mr Thomas », LP Barclay 1963. René avec Lou Bennett (“un organiste, qui en raison d’un contrat d’exclusivité avec une autre firme, ne peut être cité »), Jacques Pelzer et Charles Bellonzi à la batterie. Deux séances, l’une avec Gilbert Rovère à la contrebasse, l’autre avec Benoît Quersin. Un « must ». Deux classiques, West Coast Blues de Wes Montgomery, un survolté Docteur Jeckyll de Jackie Mc Lean, le légendaire Meeting de René et Hannies Dream crédité ici à la fois à Amadeo Tommasi et René Thomas.

Lou Bennett, « Pentacostal Feeling », Philips 1966. Trois themes enregistrés en mars 1965, avec le Paris Jazz All Stars dirigé par Donald Byrd et quatre plages en trio gravées en janvier 1966, avec René et Kenny Clarke, dont Meeting.

Eddy Louiss :

Eddy Louiss – Kenny Clarke – René Thomas, CY Records LP, Emmené par le batteur américain, le trio atteint des sommets : Eddy Louiss et René Thomas en totale empathie. No smoking d’Horace Silver, Groovin’hight de Dizzy Gillespie, You’ve changed de Jesse Reese et trois compositions originales dont Blue Tempo. René à son sommet : longs solos impressionnants, intros ou codas vertigineuses.

René Thomas, « Guitar Genius Vol.2 », RTBF 1992. Le trio avec Kenny Clarke au Havre en 1970 : Star Eyes.

Daniel Humair, « Surrended » Flat and Sharp, double LP 1987, une anthologie à la gloire de Daniel Humair. Une plage de 9 minutes, Au Privave de Parker, en trio Louiss –Thomas – Humair. De quoi laisser le regret de ne pas en avoir plus.

https://www.youtube.com/watch?v=MWcRtztr35A

Stan Getz, « Dinasty », Verve, recorded live at Ronnie Scott Club 1971, double LP ou double cédé.
Getz retrouvé après la parenthèse “grand public” de la bossa. En compagnie du trio Eddy Louiss – René Thomas – Bernard Lubat à propos duquel il ne tarit pas d’éloge. Le LP souffre d’une prise de son assez catastrophique pour la guitare de René. Le cédé remasterisé rend justice au concert live et offre une plage supplémentaire : I remember Clifford de Benny Golson. A part, Mona d’Albert Mangelsdorff et Invitation de Kaper emmené d’un bout à l’autre par René, rien que des compositions d’Eddy Louiss et de René : des thèmes mémorables comme Ballad for Leo, Theme for Emmanuel et ce touchant Ballad for my dad dédié au père de Stan Getz. La magnifique introduction de Theme for Emmanuel est un bel exemple de la sinuosité de l’invention mélodique propre au Liégeois.


Robert Jeanne, René Thomas et Jacques Pelzer

Comblain et Liège :

René Thomas, « Guitar Genius », RTBF 1991. Deep Purple enregistré à Comblain en 1964 avec Jacques Pelzer à la flûte, Benoît Quersin à la contrebasse et un jeune batteur français de…18 ans : Jacques Thollot. You go to my head en quartet avec Léo Fléchet, Jean Lerusse et Félix Simtaine, à Liège en 1968 et B like Bud avec, en plus Robert Jeanne au ténor.

René Thomas, « Guitar Genius Vol.2 », RTBF 1992. Meeting joué en quartet à Comblain en 1964, avec Pelzer à l’alto. Le même quartet à Liège en 1965 : Theme for Freddy.

René Thomas, « All morning long » BMG. Le theme de Red Garland joué à Comblain en 1961, en trio avec Benoît Quersin et José bourguignon (dm). Une plage de 10 minutes.


Photo: Jo Verthe

La Hollande :

René Thomas, « Guitar Genius », RTBF 1991. All the things you are, Body and soul et Round Midnight joués en trio, avec Henk Haverhoek (cb) et Eric Ineke (dm) à Utrecht en 1972.

René Thomas, “Paradiso 1970”. Un disque pirate enregistré au club d’Amsterdam avec Rob Langereis (cb), Han Bennink (dm) et J.R. Monterose (ts) sur certaines plages, ou comment résister à la tornade Bennink, entre autres, sur Theme for Emmanuel, Lover Man ou Sonnymoon for two.

Lee Konitz, « From Newport to Nice », Philology, 1992. Une anthologie assez heteroclite de Lee Konitz: enregistrements de 1955 à 1980. Seulement deux thèmes (Round Midnight, All the things you are) avec René Thomas et un trio composé de Misha Mengelberg (p), Rob Langereis (cb) et Han Bennink (dm), Groningen 1965.

René Thomas, « Hommage à…René Thomas », Timeless Records 1994. Quatre longues plages, d’une dizaine de minutes chacune, enregistrées à Laren en 1974, en compagnie de Rob Franken (elp), Koos Serierse (cb) et Louis Debij (dm). Star Eyes, Jesus thinks of me de George Cables, Round about Midnight et My wife Maria de René au sommet de sa forme.

Le chant du Cygne :

Thomas – Pelzer Limited, « TPL », Vogel LP 1974. Lolita de Barry Harris, TPL de Thomas-Portal-Louiss, Star Eyes, All or nothing at all joués en quintet avec Rein De Graaf au piano, Henk haverhoek à la contrebasse et… Han Bennink à la batterie. Sur Jesus thinks of me, Jean Linsman remplace Haverhoek à la basse électrique et Juliette est joué en trio guitare-soprano-contrebasse. Un témoignage émouvant, avec un Han Bennink étonnant de modération.


René Thomas, Art Taylor et Jean Linsman (Photo: Jimmy Van Der Plas)

Encore une petite madeleine, M. Proust ?

Ah, Marcel et ses petites madeleines qui font resurgir les souvenirs du fond de la mémoire. Quelques notes de musique peuvent avoir le même effet sur moi…

Comblain 1964, j’ai dix-sept ans, je découvre René Thomas en concert. Jacques Pelzer au saxophone alto et à la flûte, Benoît Quersin à la contrebasse et, à la batterie, un extraterrestre de 18 ans, les yeux perdus dans les étoiles, derrière sa longue chevelure . Né en 1946, Jacques Thollot est entré au Conservatoire à 11 ans, est devenu le remplaçant attitré de Kenny Clarke au Blue Note parisien à 13 ans. Après l’aventure aux côtés de René, il jouera avec Eric Dolphy, Don Cherry ou Steve Lacy, se vouera au free jazz et enregistrera un album solo en 1971… « Quand le son devient aigu, jeter la girafe à la mer ». Il est mort l’année dernière dans un relatif anonymat, comme le montre un superbe article de Francis Marmande dans le journal Le Monde.

René Thomas a toujours aimé les défis dans ses confrontations avec la batterie, il a toujours opté pour des batteurs qui le galvanisent : Daniel Humair, Jacques Thollot, Bernard Lubat, Han Bennink, Félix Simtaine ou Art Taylor.

A Comblain, les concerts sont minutés : la RTB enregistre. Un technicien vient signaler la fin du concert de manière impérative. C’est sans compter avec l’esprit rebelle de René qui, sans se soucier du sbire, annonce tout de go Theme for Freddy qu’il dédie à Jean-Pierre Leloir, le photographe attitré de JazzMag.
Je verrai encore René Thomas et Jacques Pelzer au premier et… seul festival organisé à la patinoire de Liège en 1972 : Léo Fléchet au piano, Jean Linsman à la basse et, à la batterie, Tony Liégeois est rejoint par deux percussionnistes Mustapha El Iraki et un énigmatique M. Ho. Ce festival me permettra de placer mon premier article auprès du très franco-français JazzMag (du moins pour la première partie, Gérard Rouy, arrivé sans doute en retard, se chargera des vedettes de fin de soirée comme Gato Barbieri).

En janvier 1975, j’étais au Conservatoire pour le concert-hommage : la chronique de cette célébration sera l’occasion d’une deuxième incursion auprès de JazzMag. Par contre, le magazine ignore l’article consacré à la carrière de René Thomas. Rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme : ce sera le premier vrai article que je placerai dans Jazz in Time en 1989. Comme quoi, en modeste chroniqueur résolument bénévole, je dois beaucoup à René Thomas.
Chaque solo de René Thomas reste une vraie leçon et cette leçon vaut bien un fro… un hommage sans doute.

Claude Loxhay
Photos: archives Jazzaround et Mon Devoghelaere

Article publié par jazzaround


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